CHAPITRE 34:
LE SALUT DES NON-CHRETIENS/MUSULMANS

La théologie chrétienne a toujours accordé de la place au salut des non-Chrétiens bien qu'avec une accentuation et compréhension différente à travers les siècles. Dans l'Ancien Testament, il y a une tendance à réserver le salut uniquement aux Juifs et une autre perspective de "sagesse" qui étend le salut à tous, spécialement sur la base de l'alliance faite à Noé. Dans le Nouveau Testament aussi, il y a la perspective des Actes et de Paul qui est celle de la proclamation tandis que Jean et les lettres de Pierre mettent l'accent sur le témoignage. Une théologie du témoignage se focalise sur le Christ cosmique. Par exemple, Jésus est le "Sauveur du monde" (Jn 4:42), et "j'ai d'autres brebis qui ne sont pas de cette clôture" (Jn 10:16). "Dieu veut que tout le monde soit sauvé et atteigne la pleine connaissance de la vérité" (1 Tim 2:4). Jésus "s'est offert lui-même comme une rançon pour tous" (1 Tim 2:6). "Ainsi, lorsque les gentils, n'ayant pas la loi, toujours à travers leur propre sens inné se comportent comme la loi commande alors, même s'ils n'ont pas la loi, ils sont une loi pour eux-mêmes. Ils peuvent démontrer l'effet de la loi gravée sur leurs coeurs, à laquelle leur propre conscience porte témoignage" (Rom 2:14-15). La foi explicite de ceux qui disent "Seigneur, Seigneur!" n'est pas suffisant (Mt 7:21) mais au dernier jugement Jésus, le roi, recevra ceux qui lui ont montré la bonté en faisant ainsi à ses petits sans connaissance explicite de lui (Mt 25:31-46). Une idée extensive du salut est aussi trouvée dans des passages sur le don de l'Esprit qui souffle où il veut (Jn 3:8) et précède la prédication de l'évangile (Actes 10:36) et dans des passages sur la venue du royaume de Dieu.

Saint Thomas d'Aquin discute de la possibilité du salut des non-Chrétiens qui n'ont jamais entendu parler du Christ quand il se demande si c'est nécessaire de croire en l'Incarnation. Il répond que oui mais il continue de dire que ceux qui n'ont pas eu de révélation du mystère de l'Incarnation peuvent être sauvés par une foi implicite dans ce dogme quand ils croient en la providence de Dieu qui sauve des gens selon les moyens qu'il voit les meilleurs. De telles personnes appartiennent réellement au Nouveau Testament.

Quant aux jugements pratiques, Saint François Xavier supposa que les milliers d'asiatiques à qui il prêchait ne pourraient pas être sauvés à moins qu'ils n'aient accepté la foi chrétienne et le baptême. Les missionnaires jésuites du dix septième siècle avaient une vision plus large. Néanmoins la vision populaire au dix huitième et au dix neuvième siècles était que seulement les Chrétiens pourraient être sauvés. Pie IX déclarera que ceux qui suivent la loi divine écrite dans leurs coeurs atteindront la vie éternelle par la grâce divine. Cette vision était réaffirmée par Vatican II: " Ceux qui, indépendamment de leur volonté, ne connaissent pas l'évangile du Christ ou son Eglise, mais qui néanmoins cherchent Dieu avec un coeur sincère et, motivés par la grâce, essayent dans leurs actions de faire sa volonté comme ils la connaissent à travers les suggestions de leur conscience, à eux aussi peut se réaliser le salut éternel" (Lumen Gentium, n°16).

Saint Thomas explique comment cela peut se réaliser: "Une fois qu'une personne atteint l'usage de la raison, la première chose à laquelle il pense doit concerner elle-même. Si elle opte pour un bon but, elle reçoit la grâce et la liberation du péché originel [si elle n'est pas baptisée]". Autrement elle pèche mortellement. La connaissance d'un bon but implique une foi implicite au Christ. Vatican II explique davantage: "Par son incarnation, le Fis de Dieu, s'est en quelque sorte uni lui-même à tout homme... Et cela ne vaut pas seulement pour ceux qui croient au Christ, mais bien pour tous les hommes de bonne volonté, dans le coeur desquels, invisiblement, agit la grâce. En effet, puisque le Christ est mort pour tous et que la vocation dernière de l'homme est réellement unique, à savoir divine, nous devons tenir que l'Esprit-Saint offre à tous, d'une façon que Dieu connaît, la possibilité d'être associé au mystère pascal" (Gaudium et Spes, n°22). Les écrits des Papes après le Concile montrent un effort pour équilibrer les revendications uniques du Christianisme avec le travail de l'Esprit en dehors de l'Eglise. Dans son Redemptor Hominis, n°13 Jean Paul II fait référence au passage précité et dit: "Ceci s'applique à tout homme, puisque tout le monde est inclus dans le mystère de la Rédemption, et par la grâce de ce mystère le Christ s'est uni lui-même à chacun pour tout le temps... Chaque individu, depuis sa conception même, participe à ce mystère," "Chaque homme, sans exception, fut libéré par le Christ, depuis que le Christ d'une façon ou d'une autre s'est joint à tout homme, sans exception, même si la personne n'est pas consciente de cela" (n°14).

Après le rassemblement inter-religieux d'Assise en 1986, Jean Paul II appliqua ces principes à la situation du pluralisme religieux: "Les gens peuvent souvent ne pas être conscients de leur unité radicale d'origine, leur destinée et leur place dans le plan de Dieu, et quand ils professent des religions différentes et incompatibles ils peuvent penser que leurs divisions sont insurmontables. Mais en dépit de cela, ils sont inclus dans le grand et unique dessein de Dieu, en Jésus Christ, qui s'est en quelque sorte uni lui-même à tout homme" (Gaudium et Spes, n°22), même s'ils ne sont pas conscients de cela.Encore, dans Redemptoris Missio, n°10 Jean Paul II dit: "L'universalité du salut ne signifie pas qu'il est donné seulement à ceux qui croient explicitement en Christ et se réunissent dans l'Eglise. Si le salut est destiné à tous, il doit être offert concrètement à tous... Le salut du Christ leur est accessible alors à travers une grâce qui, quoique les mettant mystérieusement en rapport avec l'Eglise, ne les y introduit formellement pas mais les éclaire dans une façon adaptée à leur état d'esprit et situation de vie".

Quant à l'Islam, nous avons vu que Muhammad imagina que son grand-père, un fidèle de la religion traditionnelle, était en enfer. Le Qur'ân fait mention de la possibilité du salut de non-Musulmans: "Les croyants, les Juifs, les Chrétiens et les Sâbi'ens, ceux qui croient en Dieu et au dernier jour et font du bien, auront leur récompense avec leur Seigneur. Ils n'auront rien à craindre et ne seront pas mis à la honte" (2:62). Les commentateurs classiques disent que ce verset s'applique seulement à ceux qui deviennent musulmans, ou bien cela est annulé par 3:85: "Si quelqu'un désire une religion autre que l'Islam, cela ne sera pas accepté de lui, et au dernier jour il sera parmi les perdus". La plupart des Musulmans contemporains ne croient pas à l'abrogation et disent que 2:62 est toujours valable et que dans 3:85 "Islam" signifie simplement "soumission à Dieu".

Al-Ghazâlî (m. 1111), expliquant qui sera sauvé, dit: "Selon moi la miséricorde divine renferme un grand nombre d'inférieures communautés aussi... En plus, je dirais que la majorité des Turcs et des Chrétiens byzantins de notre temps, si Dieu le veut, sont l'objet de la miséricorde divine. Je fais allusion aux habitants de Byzance et aux régions turques plus éloignées de nous, à qui l'appel n'est pas encore arrivé d'embrasser l'Islam... ou bien ils ont entendu depuis leur enfance qu'il y a un imposteur qui trompe, d'une fraude, par le nom de Muhammad, qui prétendit qu'il était un prophète... Une fois quelqu'un a vu les signes de l'apparence d'un prophète dans ses miracles, qu'importe soit sa religion, s'il a la foi en Dieu et au dernier jour, il ne peut pas s'affaiblir dans sa recherche. S'il fait sa tâche de réfléchir et de chercher, s'il n'abandonne pas, même si la mort l'enlève avant qu'il ait atteint la pleine vérité, il recevra le pardon et il bénéficiera de la vaste miséricorde de Dieu".

Al-Ghazâlî exprima dans ce texte une largeur de vue qui est assez rare dans la tradition musulmane. La vaste majorité d'auteurs sont d'avis que tous les Musulmans seront sauvés, après peut-être le passage à travers un enfer temporaire, pendant que ceux qui ne sont pas musulmans, qu'importe combien vertueux ils soient, seront condamnés. "C'est dommage que vous n'êtes pas un Musulman", disent beaucoup de Musulmans quand ils rencontrent un Chrétien qu'ils admirent. Mais de plus en plus des Musulmans croient que chaque homme de bonne volonté sera sauvé. Ceci peut venir de l'indifférentisme religieux ou il peut être une reconnaissance instinctive de la vérité qu'un homme sincère et bon ne pourrait pas être éternellement condamné.

En dépit de vues libérales concernant le salut des non-Musulmans, les Musulmans croient toujours dans la prédication de leur religion et ils soutiennent que celui qui est convaincu que c'est vrai et ne l'embrasse pas sera condamné. Les Chrétiens soutiennent une vue similaire avec encore plus de conviction puisque nous croyons que Jésus seul est le Chemin, la Vérité et la Vie qui est venu pas simplement pour donner la vie mais la donner en abondance (Jn 10:10). Ainsi ce n'est pas raisonnable de laisser les gens tâtonner dans une "relation cachée et mystérieuse" à Jésus quand il est possible de les inviter à une participation pleine dans la vie de l'Eglise.

QUESTIONS:

  1. Expliquez le fondement biblique du salut des non-Chrétiens.
  2. Expliquez le point de vue de Vatican II et du Pape Jean Paul II sur le salut des non-Chrétiens.
  3. Discutez de la variété d'interprétations du Qur'ân sur le salut des non-Musulmans.
  4. Discutez des points de vue d'al-Ghazâlî sur le salut des non- Musulmans.
Au chapître 35