CHAPITRE 31
L'ISLAM SOUS LA LOI COLONIALE

La conséquence immédiate de l'occupation française et britannique fut la fin des guerres de jihâd et du commerce d'esclaves. La principale différence entre ces deux puissances coloniales fut dans leur politique envers les états fondés par le jihâd. Les Français démolissaient les structures en place et imposaient un gouvernement direct se servant des fraternités soufis comme leurs intermédiaires en matière d'Islam tandis que les Britanniques instituaient un gouvernement indirect, en particulier au Nord du Nigeria.

Les deux sortes de politique freinaient l'expansion militaire ouverte de l'Islam mais, à la longue, le gouvernement colonial devenait favorable à l'expansion et à la consolidation islamique.

Juste avant la colonisation, les états de jihâd s'étaient butés aux déchirements internes et leur force militaire inefficace devant les méthodes complexes de résistance dans les régions qu'ils voulaient conquérir. Le gouvernement britannique reconnaissait des dirigeants officiels et leur portait secours devant des prétendants aventuriers, furent-ils adversaires politiques ou parvenus mahdistes. Il reconnaissait aussi la seigneurie des émirs sur les chefs de districts et de villages soumis à eux. Il leur donnait un pouvoir contraignant et des revenus des taxes, ce qui n'était pas le cas avant. Les Britanniques englobaient sous la juridiction des émirs même des territoires précédemment non-conquis. Pendant toute la période coloniale la parole des émirs fit la loi. Les émirs avaient une police et des prisons pour soutenir leur autorité. La loi de Sharî`a a donné réponse à toutes les matières: le crime, les offenses capitales, exceptées les sanctions telles que la mutilation, la lapidation et la crucifixion. Cependant en Afrique occidentale la loi de Sharî`a était seulement appliquée aux matières sociales, comme le mariage et l'héritage.

Dans les territoires sous un gouvernement indirect, les Britanniques suivaient une politique d'un développement indépendant. Autrement dit, les Britanniques ont interdit aux missionnaires de prêcher et de construire des écoles. Cet isolement a préservé l'Islam dans une pureté archaïque et a aidé les émirs, mais les dernières générations musulmanes ont décrié cette politique pour avoir gardé leur région dans le sous-développement. Le peu d'écoles gouvernementales pour l'élite ne pouvaient pas combler le décalage creusé entre ces régions et le reste du pays.

En plus du secours porté aux émirs, la paix britannique a permis aux Musulmans de vivre librement dans toutes les régions de l'Afrique occidentale. Ainsi ils établissaient des colonies et faisaient des recrutement selon leur voeu. Dans les régions yorouba et ailleurs, l'Islam devenait une occasion de rencontre de ceux qui n'ont pas accepté l'éducation occidentale et les changements sociaux. Pendant toute la période coloniale les fraternités soufiques jouaient un grand rôle en contribuant au développement de l'Islam, surtout quand les émirs et les autres autorités musulmans devenaient tyrans et se compromettaient à leur religion. La période coloniale à travers l'Afrique occidentale était une époque d'accroissement du nombre des Musulmans. Le dernier don des Britanniques aux Musulmans au moment de l'indépendance fut l'organisation politique qui leur assurait le contrôle de la Région du Nord, et la Région du Nord contrôlait la Fédération.

Cette situation a engendré une grande tension entre les dirigeants musulmans du Nord et le reste du pays. Cette tension était manifestée quelquefois dans le conflit avec les Chrétiens et parfois dans celui avec les autres groupes ethniques. Les tensions religieuses étaient inexistantes chez les Yorouba du Sud dans les autre pays de l'Afrique occidentale. En effet, chez les Yorouba, les membres d'une même famille vivaient ensemble dans la paix, bien qu'ils appartenaient à différentes religions.

Entre 1947 et 1962 le statut des cours de la Sharî`a au Nord du Nigeria était revu et leur juridiction se limitait au statut personnel et à la loi familiale. Pendant ce temps les cours civiles se chargeaient aussi de la loi criminelle selon un seul code applicable à tous les Nigérians. Mais les cours de la Sharî`a continuaient à s'occuper des cas litigieux. Toutefois il ne leur était pas permis d'infliger une punition dépassant les limites tracées par le code criminel ou par une autre ordonnance.

En Afrique orientale l'exploration européenne, le commerce et l'activité chrétienne des missionnaires à la seconde moitié du dix neuvième siècle conduisaient à la prise du pouvoir des barons esclavagistes swahili. Les garanties européennes de la liberté religieuse aidaient non seulement le Christianisme mais aussi l'Islam à se répandre, surtout depuis que des soldats musulmans étaient déployés à garder l'ordre et depuis que les Musulmans instruits originaires de la côte étaient utilisés à l'intérieur comme dirigeants locaux et officiers du gouvernement. Enfin l'introduction dans les colonies anglaises de l'Est et du Sud d'Afrique des ouvriers musulmans venus de l'Inde (du Pakistan actuel) avait aussi un impact durable.

J. Cuoq, dans son livre, Les Musulmans en Afrique, donne des proportions approximatives des populations musulmanes en Afrique à la fin de la période coloniale: Sénégal 82.6%, Gambie 86%, Guinée-Bissau 40%, Guinée 75%, Sierra Leone 50%, Liberia 26%, Mali 68%, Niger 85%,Burkina Faso 17%, Côte d'Ivoire 21,7%, Ghana 12%, Nigeria 44%, Tchad nord 90%, Tchad-sud 9%, Cameroun 14%, Gabon "une infime minorité", Congo-Brazzaville : la même, Guinée Equitoriale : la même, Congo-Kinshasa 1.5%, Burundi 1%, Rwanda 0,5%, Soudan 70%, Ethiopie 24%, Erythrée 50%, Djibouti 90%, Somalie 100%, Kenya 7,3%, Ouganda 5%, Tanzanie 33%, Mozambique 15%, Malawi 8%, Zambie "une infime minorité", Zimbabwe : la même, République sud-africaine 1.5%, Angola 0%.

QUESTIONS:

    1. Décrivez les avantages et les désavantages de l'Islam dans le système du gouvernement indirect.
  1. Expliquez pourquoi l'Islam progressait sous le gouvernement colonial.
  2. Décrivez le statut de la loi Sharî`a en Afrique occidentale pendant la période coloniale.
  3. Commentez la qualité des relations entre Musulmans et Chrétiens pendant la période coloniale.
Au chapître 32