CHAPITRE 30
LES ETATS DE JIHÂD

Il existait plusieurs jihâds en Afrique occidentale au cours du dix huitième et dix neuvième siècles. Quelques motifs religieux entrent en jeu. Mais depuis longtemps pour les Musulmans, la nécessité de vivre sous la Sharî`a leur avait ouvert le choix de hijra (migration à un état islamique) ou jihâd (établissement d'un état islamique). Néanmoins les motifs économiques sont aussi à considérer. Parmi eux, citons le contrôle du marché atlantique des esclaves en Afrique occidentale.

L'Afrique occidentale

Pendant et un peu après 1680, un Peul de Torodbe, Mâlik Sî, avait dirigé l'invasion de Bondu. Plus tard au dix huitième siècle, les Peuls fortifièrent leur position par des nouveaux combats. Le jihâd les aidait à contrôler le fleuve Sénégal et le commerce sur son parcours.

En 1725 le chef Peul Alfa Ba conquit Futa Jalon. A partir de là, les Peuls commencèrent à attaquer leurs voisins et par le fait répandaient l'Islam parmi les peuples des côtes. Les peuples soumis aux Peuls n'étaient pas vendus mais utilisés comme des esclaves pour travailler dans les champs de riz. Le riz qu'ils produisaient était vendu aux Européens pour nourrir les esclaves pendant le voyage dans les bateaux à travers l'Atlantique. Un autre Peul de Futa Toro, Sulayman Bal, ayant été informé du renouveau islamique à Futa Jalon organisa un autre état islamique dans lequel il imposa l'Islam.

Un peu après, Ahmadu Lobbo fonda un état islamique dans la région de Mâsina. Vers 1805, il alla dans le territoire des Haoussa. Là, il s'associa à `Uthmân dan Fodiye et fut inspiré par son jihâd et par la fraternité Qâdiriyya. Il défia les Bambara pendant que les Peuls évitaient le combat. Il prit alors Jenné qu'il dévasta. Il construisit une nouvelle capitale qu'il appela Hamdallahi. Ahmadu tira beaucoup de profits avec l'attente eschatologique populaire en se réclamant mujaddid et en obligeant tous les Musulmans de lui obéir. L'empire de Mâsina ne devint jamais viable, parce que les tenants du commerce étaient dorénavant intéressés au commerce sur l'Atlantique plutôt qu'à travers le Sahara. Par conséquent, la région de Mâsina ne fut plus économiquement stratégique comme autrefois.

Un autre Peul de Futa Toro inspiré par `Uthmân dan Fodiye fut al-hajj Umar. Il passa à l'initiation sur l'ordre de Tijâniyya lors de son pèlerinage en 1826; en 1852 Umar commença son jihâd. En une première période il conquit l'état Bambara de Kaarta tout en prenant Bambuk, Bondu et Khasso. Ce fut en 1857. Sa méthode de guerre entraînait des massacres et des pillages. Sa force grandissante soumettait plusieurs peuples qui devenaient finalement ses alliés. A la longue Umar conquit Segou et Mâsina. En fait il était en mesure de créer un empire aux dimensions de celui du Mali, mais il n'y arriva point parce que les routes commerciales à l'intérieur étaient devenues des propriétés françaises.

A partir de l'année 1870, Samori Touré dirigeait un jihâd parmi le peuple malinke. Son territoire grandissait de jour en jour à tel point qu'il englobait une partie orientale de la Guinée actuelle et s'étendait à travers la partie nord de la Côte d'Ivoire et du Ghana. Sur son passage les sanctuaires traditionnels étaient démolis et des mosquées étaient érigées. Ces régions étaient islamisées de façon permanente. Malheureusement devant les effort conjugués des Français et des Anglais, Samori fut vaincu.

Dans les états Serrer de Sine et de Saloum quelques commerçants musulmans wolof et malinké avaient créé des communautés. Et quand celles-ci étaient devenues puissantes, Ma Ba se résolut de commencer un jihâd. Grâce à cela, il prit ce territoire en exigeant la conversion sinon la mort des païens. Les Français conquirent ces parties du Sénégal en 1887, mais l'Islam y était déjà fermement enraciné ainsi que dans la plus grande partie des territoires du Nord du fleuve Gambie.

De tous les jihâds, celui de Sokoto en terre Haussa étaient le plus important. Les origines des états d'Haoussa sont à chercher au Moyen-Age, mais ils n'ont émergé qu'à partir du dix septième siècle après le déclin de Songhay. A cette époque ils devenaient les partenaires de Bornou (pour le commerce avec Tripoli), des Gonja (pratiquant le commerce atlantique d'or venant des gisements d'Akan et de kola, en passant par Ashanti). La recherche des esclaves sur la côte fut le principal mobile des guerres prolongées parmi les états Haussa où les captifs étaient fréquemment vendus.

Uthmân dan Fodiye avait une idéologie religieuse pour justifier son jihâd qu'il exprima dans plusieurs écrits. Au début de l'an 1804, lui et ses alliés renversèrent rapidement la plupart des chefs Haussa et unifièrent leurs territoires sous la conduite du califat de Sokoto. Après cette opération les Musulmans tournèrent leur attention vers les païens qui furent une source d'esclaves. Et pendant qu'ils progressaient avec détermination vers la côte par le territoire des Nupe en 1830, et par l'empire Oyo (1824-1836), ils ont laissé tranquilles leurs voisins les plus proches, notamment Argungu et Sabon Birni.

L'exportation d'esclaves à travers le Sahara se poursuivait. Une fois que le jihâd s'était consolidé, la confédération de Sokoto rivalisait avec Bornou sur le commerce transsaharien. En effet, le commerce transsaharien prenait de l'ampleur au dix neuvième siècle en dépit du développement du commerce européen sur la côte, et continuait même après l'abolition du commerce d'esclaves sur l'Atlantique. Au début du jihâd, de toutes les façons, le marché atlantique était très attrayant. En fait le marché d'esclaves s'était accru sensiblement jusqu'en 1830. Ceci fut le résultat de la demande incessante du Brésil, du Cuba et du Sud des Etats-Unis, malgré les interventions des Anglais depuis 1810 et des Français depuis 1815.

Petit à petit, après 1840, ce commerce déclina jusqu'à son anéantissement en 1860. Ainsi la poussée de Sokoto sur la mer était défavorisée non simplement par des états indépendants et par la dernière intervention anglaise, mais surtout par la disparition du motif économique majeur. L'expansion à la côte était aussi affaiblie à cause de l'essor des états indépendants nouveaux dans le Sud de l'ancien empire d'Oyo, tels qu'Ibadan, Abeokuta et d'autre états de la côte. A toutes ces causes il faut ajouter les exactions constatées parmi les hommes moyens le long des routes commerciales, l'instabilité et l'insécurité de cette période-là.

Néanmoins plus tard quelques autres avantages naissant attiraient Sokoto vers l'Atlantique. Citons les armes à feu qui devenaient non seulement communes, mais aussi une condition de survie au dix neuvième siècle. Après, les Anglais ont imposé leur loi sur tout le Nigeria moderne. Entre-temps les héritiers des états de Sokoto continuaient à exploiter la route de Lagos. Ils ont pris des dispositions pour assurer l'ouverture et la sécurité de leurs opérations commerciales.



L'Afrique orientale.

En Afrique orientale, les Arabes qui naviguaient sur l'océan indien dans l'intention de lancer un commerce d'ivoire, d'or et d'esclaves établissaient des colonies de commerçants à partir du dixième siècle. Avant 1400, on constatait au moins 37 groupements musulmans le long de la côte de l'Afrique de l'Est, précisément de Mogadishu à Sofala (en Mozambique). Les colonisateurs arabes se mariaient avec les femmes bantoues et créaient une nouvelle langue du Swahili mélangée du bantou et de l'arabe. Ces colonies restaient culturellement distinctes, et pendant longtemps elles n'ont répandu ni leur civilisation ni leur religion. Seule la Somalie fait exception, car ses villes côtières des alliés des royaumes nomadiques de l'intérieur devenaient musulmans. Au seizième siècle ils mirent à sac l'Ethiopie chrétienne. Enfin ils furent chassés par les Portugais qui, à cette époque dominaient la côte orientale de l'Afrique. Au même moment les envahisseurs musulmans avaient conquis le reste de la Nubie chrétienne (aux environs de Khartoum) et progressaient vers l'Ouest par Darfur et Wadai (vers le Tchad).

Après que les Portugais eurent quitté l'Afrique orientale au dix septième siècle, les colonies musulmanes reprenaient vie et après le dix neuvième siècle ils établissaient des réseaux commerciaux et des villes à l'intérieur aussi loin qu'au Zaïre d'alors. Ils utilisaient des fusils pour se défendre et capturer des esclaves. Mais déjà les Yao du Sud de la Tanzanie étaient le seul peuple converti à l'Islam avant le temps colonial. Cela était le cas parce qu'ils étaient eux-mêmes des esclaves et de plus les Arabes les utilisaient comme des alliées dans le commerce des esclaves. De la même manière les Egyptiens, cherchant de l'ivoire et des esclaves, se répandaient au Sud du Soudan et en Ouganda.

QUESTIONS:

  1. Expliquez la motivation religieuse du jihâd.
  2. Expliquez les motifs économiques des jihâds de l'Afrique occidentale.
  3. Décrivez l'expansion du califat de Sokoto et donnez les raisons qui l 'ont poussé à s'orienter de cette manière-là.
  4. Comment l'Islam s'est-il répandu en Afrique orientale?
Au chapître 31