CHAPITRE 28
LE MALI ET LE SONGHAY

Au Sud du Ghana se situait la terre des Malinkes connu sous plusieurs noms. Sans pourtant élaborer une organisation politique, les Malinkes étaient une proie facile aux esclavagistes de Takrûr, Silâ et Ghana. Néanmoins les Malinkes Dyula ou Wangara contrôlaient la production de l'or de Bambuk. Les Musulmans, avides du commerce de l'or et des esclaves, s'installèrent parmi eux. Par conséquent, quelques Malinkes devinrent musulmans.

Les Malinkes trouvèrent leur fortune quand, les champs aurifères de Bambuk s'étant épuisés, ils développèrent ceux de Bure sur le Niger, à l'intérieur du territoire du Malinke. Le roi malien Sundiata (1230-55) dirigea une guerre pour se libérer du joug du roi susu du Ghana, Sumanguru, et par après fonda l'empire du Mali. Même avant Sundiata, les rois du Mali étaient musulmans, mais pas très convaincus. A un moment difficile, lorsque Sundiata était en face de Sumanguru il ne s'était pas contenté des moyens islamiques pour chercher une aide divine, mais il recourait aux méthodes traditionnelles. Subtilisant un peu du vin appartenant à Sumaguru, Sundiata prépara un poison avec l'ongle d'un coq blanc, puisque Sumanguru avait été traité pour l'immuniser contre le fer.Sous le règne de Mansa Mûsâ (1312-37) le Mali atteignit l'apogée de sa grandeur, engloutissant Takrûr sur l'Atlantique, l'ancien empire du Ghana et le territoire de Gao jusqu'à Niamey actuel. Pour donner une unité à un empire si vaste et hétérogène, Mansa Mûsâ fit promouvoir l'identité super-tribale de l'Islam plutôt que le nationalisme malinke. Les routes commerciales qu'il contrôlait lui apportèrent beaucoup de richesse. Durant son pèlerinage de 1324 il dépensa en Egypte une si grande quantité d'or qu'il en ruina l'économie. Cette visite a fait sortir le Mali sur les cartes ultérieures du monde.

Pendant le règne de Mansa Sulaymân (1341-60) l'historien Ibn-Ba-ttûta visita et décrivit le Mali. Il était impressionné par la sécurité du pays, l'étude du Qur'ân et l'observance des prières de vendredi et les deux grands festivals islamiques, mais il était choqué par la persistance des coutumes pré-islamiques telles que manger la viande interdite, l'usage des festivals religieux pour fêter le roi, la présence des jeunes femmes nues devant le roi. Il était aussi choqué par l'hommage que les visiteurs rendaient au roi en se répandant de la poussière et de la cendre sur la tête, contrairement à ce qui prévalait au Ghana, où le roi païen n'exigea pas cette pratique des Musulmans.

Une guerre civile éclata à la mort de Mansa Sulaymân. Les provinces qui s'étaient séparées furent absorbées éventuellement par l'empire du Songhay, pendant que le noyau du territoire malinke était sauf parce qu'il était entouré des forets et des fleuves. Coupés du monde musulman plus vaste, les rois maliens s'éloignaient de l'Islam. Les commerçants Dyula ou Wangara seuls gardèrent l'Islam dans cette région.

Gao (Kawkaw pour les Arabes) était un royaume du peuple Jerma ou Songhay qui s'est organisé le long du fleuve Niger vers le 7e siècle comme une gare du commerce transsaharien. A la fin du quatorzième siècle Songhay devint indépendant et commença à se répandre à l'Ouest du Niger. Sonni `Alî (1464-92) prit Timbuktu des Touaregs en 1468 et Jenné en 1473, et en 1483 il défia les Mossis qui faisaient des raids constamment dans les nouveaux territoires du Songhay. Sonni `Alî maltraitait et méprisait la classe des savants musulmans de Timbuktu, parce qu'il pensait qu'ils étaient favorables à l'ennemi Touareg.

Quand Sonie `Alî mourut, le général Muhammad ibn-abî-Bakr at-Tûrî (1492-1529) lui succéda. Les rois de la nouvelle dynastie qui avaient pris le titre d'"Askiya", s'appuyaient sur l'Islam plus que leurs prédécesseurs pour soutenir leur régime. Askiya Muhammad alla en pèlerinage en 1496 suivant la route et l'allure de Mansa Mûsâ en y allant avec plusieurs gens de son entourage et assez d'argent à dépenser. Au Caire, dit-on, il réussit à obtenir du calife `Abbâsid sa nomination comme député sur le Songhay. Askiya Muhammad patronna la classe des savants musulmans. Ceux-ci succédèrent à la position sociale influente et privilégiée des prêtres traditionnels sous le régime précédent.

Askiya Muhammad agrandissait le Songhay à l'Ouest jusqu'à l'Atlantique, au Nord jusqu'aux mines de sel de Taghâma. Il combattit les Malinkes et les Mossis, mais il ne put pas les subjuguer. A l'Est le pouvoir Songhay atteignit Agadèz, Katsina, Gobir, Zamfara, Zaria et Kano. Mais le général Songhay, Kanta, qui avait construit Suramé, la capitale de Kebbi (près de Sokoto), se révolta en 1516 et créa un état indépendant à lui seul. Songhay n'avait jamais subjugué les Touaregs et donc ne pouvait pas tenir la ville Tuareg de Walata. Néanmoins les Tuaregs se rallièrent à Songhay grâce aux bénéfices économiques de l'empire.

Les champs aurifères d'Akan, nouvellement découverts, furent une base économique importante pour l'empire du Songhay. Ces champs étaient exploités par les Dyula, dans le Ghana moderne, qui, à partir de 1471, commerçaient avec les Portugais à Elmina. Ils fondèrent l'état de Gonja vers la fin du seizième siècle. A cette époque les Portugais avaient été repoussés d'Elmina (et la plus grande partie du Maroc). Par ce fait le commerce de l'or était réorienté au Nord de l'Afrique. Celui des esclaves se poursuivait sur l'Atlantique. Pendant que l'or et les esclaves étaient les plus grands objets d'exportation des Gonja, les chevaux étaient importés pour garantir la supériorité militaire et acquérir plus d'esclaves. Autres objets d'importation furent des biens de luxe pour les plaisirs de bourgeois. L'empire Songhay était une oligarchie commerciale d'exploitation dans laquelle l'homme du commun ne bénéficiait de rien et même souffrait.

Askiya Muhammad devint aveugle et incompétent vers ses dernières années. A l'occasion du `Îd al-adhâ en 1529, son fils Mûsâ le destitua, et le vieux prit sa retraite jusqu'à sa mort naturelle en 1538. Askiya Mûsâ n'a pas duré. Deux ans après, en 1531, il fut assassiné et Muhammad Benkan lui succéda. Ce dernier régna jusqu'en 1537 quand il fut destitué par Ismâ`îl, un autre fils de Askiya Muhammad. Askiya Ismâ`îl rétablit la légitimité de la dynastie. Askiya Ishâq (1539-49) conquit la capitale du Mali, et son successeur Askiya Dâwûd (1549-82) renforça la puissance de Songhay.

QUESTIONS:

  1. Expliquez les raisons économiques de l'expansion du Mali.
  2. Expliquez le rôle joué par l'Islam dans l'unification du Mali et du Songhay.
  3. Expliquez l'extension de l'Islam et de la religion traditionnelle au Mali et Songhay.
Au chapître 29