CHAPITRE 24
LA PENETRATION DE L'ISLAM AU MAGHRIB

Le Christianisme arriva au Maghrib de Rome au deuxième siècle et pénétra rapidement toutes les classes de la société urbaine. Quant aux Berbères nomades, ils ne furent atteints que superficiellement par le Christianisme, parce que leur langue n'était pas utilisée par l'Eglise. D'ailleurs, l'Eglise était secouée par le schisme donatiste, qui insistait sur un traitement rigoureux aux pénitents qui s'apostasiaient pendant les persécutions. Saint Augustin eut grand succès en prêchant contre le donatisme. Aussi il renforça le catholicisme en fondant des maisons de la vie religieuse. Mais tous ces remèdes arrivaient trop tard.

La destruction causée par l'invasion des vandales en 430 fut augmentée par les nomades qui profitaient de l'occasion de piller. Les vandales imposaient leur enseignements ariens et persécutaient les catholiques, réduisant le nombre d'évêques de 164 à 3. L'arrivée des Byzantins en 534 a signifié 50 ans de répression brutale pour arriver à contrôler les villes majeures, et le peuple dut s'habituer à la langue grecque. Quand Constans fut couronné empereur à 15 ans, Grégoire, exarque d'Afrique, se déclara indépendant et, quand les Arabes vinrent, il dut les combattre seul.

Ecoutons maintenant les récits musulmans sur la conquête arabe du Maghrib: En l'an 22 de l'ère musulmane, `Amr ibn-al-`Âs marcha de l'Egypte jusqu'à Barqa, dont il fit signer un traité avec les habitants tout en les soumettant au jizya, même s'ils devaient vendre leurs enfants pour payer. Il continua à conquérir et piller Tripoli et Sabrata. Puis `Amr ibn-al-`Âs fit un traité avec les Berbères Lawât, leur faisant payer 20.000 dinars comme jizya et vendre leurs enfants pour trouver le montant.

En 646, `Uthmân nomma `Abdallâh ibn-abî-Sarh gouverneur de l'Egypte et de son armée. Celui-ci dirigea 20.000 hommes vers Ifrîqiya (Tunisie), défia Grégoire et donna à Ibn-Zubayr, qui le tua, la fille de Grégoire comme concubine. Puis Ibn-abî-Sarh marcha sur Carthage, la conquit et prit une quantité inestimable de captifs et de richesses. Il pilla aussi plusieurs autres villes. Le peuple supplia alors Ibn-abî-Sarh d'accepter 3.000.000 dinars comme jizya d'une année afin qu'il se retira. Il accepta, et aucune attaque ne se faisait contre l'Ifrîqiya pendant 20 ans, mais cette pause fut grâce à la guerre civile qui opposait le quatrième calife `Alî (656-61) à ses adversaires. Les Byzantins ne profitèrent pas de ce relâchement pour renforcer leur position; plutôt ils aliénèrent le peuple par de lourdes taxes.

En 666 le calife Mu`âwiya envoya Ibn-Hudayj à la tête de 10.000 hommes en Ifrîqiya. Le gouverneur byzantin disposait de 30.000 hommes mais tous fuirent par mer, ne s'engageant pas dans une bataille. Puis Ibn-Hudayj prit Jadûlâ, le mettant à sac et prenant des esclaves. En 667 il fit une incursion à Sicile, y capturant des esclaves et s'amassant du butin, y compris des statues en or et en argent.

L'année suivante, Mu`âwiya établit Ibn-Hudayj comme gouverneur d'Egypte et en 670 il nomma `Uqba en Ifrîqiya. Quand celui-ci arriva à Ifrîqiya avec 10.000 troupes, il massacra les gens, éliminant les Chrétiens qui y habitaient. Il disait que si un imam entrait en Ifrîqiya, les habitants se conformeraient en acceptant l'Islam, mais s'il sortait de là, ceux-ci rentreraient à leur incroyance. A cet effet, il commença à construire la ville du Qayrawân comme capitale militaire.

En 675 le calife nomma Abû-l-Muhâjir en Ifrîqiya. Abû-l-Muhâjir marcha contre le chef berbère Kusayla, le vainquit et lui proposa d'accepter l'Islam; ce qu'il fit. Dans l'entre-temps les villes de Constantine et Sitif se rendaient et leurs dirigeants se convertissaient à l'Islam.

En 682 `Uqba fut nommé gouverneur du Maghrib pour une seconde fois par le calife Yazîd. Il sortit avec son armée, fit fuir les Chrétiens à droite et à gauche sur son passage, comme il conquit le pays et attaquait pour la cause de Dieu. Toutefois, `Uqba n'assiégea pas leurs forteresses afin d'être à mesure de faire des raids et tuer les gens qui persévéraient dans l'incrédulité, étant donné que les Chrétiens ainsi que les Berbères du Maghrib étaient aussi innombrables que le sable et les cailloux et se répandirent partout. C'est ainsi qu'il procéda à l'Ouest, tua et captura un peuple après l'autre et une tribu après l'autre. Se confiant lui-même à Dieu, il n'avait pas peur du nombre. L'épuisement et la poussière ne portèrent pas préjudice à ses troupes jusqu'à ce qu'ils atteignissent les faubourgs de Tanguer, où les Chrétiens et Berbères se réfugiaient.

Ce n'était pas tout. `Uqba fit une incursion dans le Sus al-Aqsâ où d'innombrables Berbères de plusieurs tribus étaient rassemblés. Il les combattit durement comme on n'avait jamais fait au Maghrib, et massacra plusieurs d'entre eux. Il captura leurs femmes qui étaient distinguées des autres femmes du monde. On raconte qu'une de leurs filles fut vendue à 1.000 dinars dans les marchés de l'Est. Sans une réelle résistance, le peuple s'échappa devant `Uqba. Ce qui montra que Dieu soutenait ses saints. Il marcha jusqu'à atteindre l'Atlantique et s'y introduisit jusqu'à ce que l'eau atteignît le ventre de son cheval. Alors il souleva ses bras au ciel et dit: "Seigneur, sans cette mer qui s'érige devant moi comme un obstacle, je continuerais à travers le monde comme Alexandre le Grand pour défendre ta religion et pour combattre ceux qui ne croient pas en toi". Alors il dit à ses compagnons: "Retournez avec la bénédiction de Dieu".

Parce que `Uqba faisait subir un traitement d'esclave au chef berbère Kusayla, celui-ci s'échappa avec 50.000 de ses hommes. Par la suite `Uqba livra une bataille à Kusayla et fut tué avec ses compagnons musulmans à l'exception d'un petit nombre de prisonniers. En septembre 683, Kusayla pénétra et s'empara de Qayrawân. A cet effet, l'armée musulmane abandonna la Tunisie et s'enfuit vers l'Est. Dorénavant Kusayla accordait la vie sauve aux Musulmans qui restaient en Qayrawân et il gouverna le reste du Maghrib, y compris les Musulmans, jusqu'au règne de `Abdalmalik ibn-Marwân.

En 685 le calife `Abdalmalik envoya Zuhayr ibn-Qays al-Balawî sauver ceux qui étaient à Qayrawân. En 688, accompagné de plusieurs cavaliers, fantassins et provisions, Zuhayr arriva à Ifrîqiya. Kusayla n'était pas effrayé puisqu'il avait une force beaucoup plus considérable que celle de Zuhayr. Kusayla procéda à réunir les nobles berbères et leur parla en ces termes: "Je pense que je devrais sortir de cette ville depuis qu'il y a une communauté de Musulmans à qui nous avons des obligations de traité". Ainsi ils sortirent mais Kusayla périt dans cette bataille et les Berbères furent épouvantés.

Zuhayr disposa ses hommes à Qayrawân et rentra à l'Est avec une partie. Lorsque les informations sur son départ d'Ifrîqiya parvinrent aux Byzantins, ceux-ci campèrent sur Barqa qu'ils mirent à sac. Capturant certains et tuant d'autres, ils pillèrent la ville. Lorsque Zuhayr apprit la nouvelle, il ordonna à son armée de marcher sur le rivage de la mer, espérant atteindre les captifs musulmans et les délivrer. Le voyant, les captifs musulmans poussèrent des cris et sollicitèrent son secours pendant que les Byzantins les embarquaient. Une bataille s'engagea entre d'une part les Byzantins et de l'autre Zuhayr et ses compagnons. Malheureusement Zuhayr et ses meilleurs compagnons y périrent.

Toutes ces défaites ne plurent pas aux Arabes. De nouveau `Abdalmalik envoya Hassân ibn-an-Nu`mân en Ifrîqiya, à la tête de 40.000 troupes.Hassân marcha sur Carthage. Il la démantela et la rasa, la laissant comme une ruine du passé. Après cette victoire il alla combattre Kâhina, la cheftaine de tous les Berbères, mais fut vaincu. A cet effet, les Musulmans furent encore chassés de la Tunisie. Pendant cette bataille Kâhina avait capturé 80 compagnons de Hassân. Clémente qu'elle était, elle les lui rendit. Après Hassân, Kâhina gouverna tout le Maghrib pour cinq ans. Parce qu'elle pensait que les Arabes étaient venus chercher des villes, de l'or et de l'argent à Ifrîqiya, elle entreprit de détruire ses villes. En faisant cela, elle aliéna plusieurs gens. En 698 `Abdalmalik envoya un renfort considérable à Hassân qui retourna vers Kâhina. Il la défia et la tua. Grâce à Hassân, les Berbères, à l'exception d'une minorité surtout dans les villes qui demeurèrent chrétiennes, se convertirent à l'Islam en masse et plusieurs églises furent changées en mosquées.

La voie étant ouverte, `Abdal`azîz, gouverneur d'Egypte, nomma alors Mûsâ à Ifrîqiya. Pendant que ses deux fils avaient capturé chacun 100.000 esclaves, Mûsâ, lui, longeait le pays jusqu'à Tanger, puisque les Berbères avaient fui les Arabes vers l'Ouest. Il les poursuivait, en tuant ou capturant un grand nombre, jusqu'à ce qu'il s'approcha de Sûs. Il nomma alors l'ex-esclave berbère âriq à la tête de Tanger et de ses alentours. Ce fut une communauté de 10.000 Arabes et 10.000 Berbères. Ces Arabes avaient pour tâche d'enseigner le Qur'ân et les obligations religieuses aux Berbères. Alors Mûsâ retourna à Ifrîqiya et désigna Târiq comme gouverneur du Maroc. A cette époque, Julien, gouverneur byzantin à Ceuta, avait une fille qui étudiait à Tolède. Le roi Rodrigo la séduisait et la rendit enceinte. Ceci indigna Julien. Voici que pour se venger il promit de rendre Ceuta à Târiq et de lui montrer la route qui mena vers l'Espagne si les Arabes pouvaient le confirmer comme leur vassal et gouverneur de la ville. Târiq se mit d'accord et en 710-11 il traversa la mer jusqu'en l'Espagne et se mit à la conquérir.

Vers 710-11 tout le Maghreb occidental était islamisé. Les églises devenaient des mosquées et les minbars furent introduit dans les cathédrales. En 711-12 Mûsâ traversa encore la mer jusqu'en l'Espagne et en conquit plusieurs régions, si bien qu'il retourna à Ifrîqiya avec un fabuleux butin y compris des jeunes filles qu'il donnait à ses combattants. Les Musulmans couvraient presque toute la péninsule ibérique et descendirent en France jusqu'à Poitiers. Là, Charles Martel les força à rebrousser chemin.

Les Berbères continuèrent à se révolter mais non dans le sens de refus à l'Islam puisque leur résistance fut écrasée et ils acceptaient le nouvel ordre islamique de façon permanente. Alors Mûsâ divisa le domaine en fiefs qu'il confia aux chefs des districts. Ceux-ci, à leur tour, s'occupèrent de l'islamisation et de l'instruction de leurs sujets. Mûsâ choisit aussi les meilleurs esclaves berbères qu'il instruisit en Islam, leur accordant la liberté s'ils témoignaient d'être bons propagateurs de l'Islam.

QUESTIONS:

  1. Appréciez la situation de l'Eglise au Maghrib avant l'arrivée de l'Islam.
  2. Décrivez les méthodes arabes de la conquête et de l'islamisation du Maghrib.
  3. Décrivez la réaction des Berbères vis-à-vis de la conquête arabe.
Au chapître 25