CHAPITRE 23
L'AVENEMENT DE L'ISLAM EN EGYPTE

C'est au premier siècle de l'ère chrétienne que l'Egypte reçut le Christianisme. Juifs et Grecs d'Alexandrie furent les premiers convertis. Et au troisième siècle le Christianisme atteignit les Coptes indigènes à travers tout le pays. Cela fut une situation heureuse et malheureuse. Elle fut heureuse parce que l'Eglise égyptienne bénéficia de trois avantages: 1) elle tira profit en utilisant la langue copte dans la liturgie et dans une version biblique, 2) elle était supportée par les communautés des moines prenant leur origine du grand saint, Antoine du désert (m. 356), 3) un cercle intellectuel de plusieurs grands théologiens se forma, tels que Clément d'Alexandrie, Origène et Cyrille.

D'autre part, cette même église avait le malheur d'être secouée par des troubles provoqués par Arius, un prêtre d'Alexandrie qui enseignait une doctrine contraire à l'Orthodoxie, à savoir le Verbe n'est pas consubstantiel au Père et donc le Verbe n'est pas divin. Cet enseignement fut condamné au Concile de Nicée en 325, grâce aux efforts de Saint Athanase. Plus tard Cyrille, patriarche d'Alexandrie, défia l'enseignement de Nestorius, patriarche de Constantinople, qui n'acceptait pas Marie comme mère de Dieu. Selon lui, le Verbe ne s'est pas fait chair mais seulement demeura dans la chair. Le Concile d'Ephèse en 431 condamna l'enseignement de Nestorius et le déposa de son patriarcat.

Dommage, cela ne mit pas fin aux controverses, surtout quand les idées nationalistes égyptiennes et grecques s'étaient associées. En outre Dioscore qui succéda à Cyrille réussit à faire déposer le nouveau patriarche de Constantinople, Flavius. Cependant le Pape Léon I condamna la procédure de Dioscore. En 451 le Concile de Chalcédoine le déposa. Principalement à cause de cette blessure de l'orgueil national, la plupart des évêques et théologiens égyptiens n'acceptant pas les décisions chalcédoniennes allèrent jusqu'au schisme. Au début de l'Islam en Egypte, il y avait deux patriarches d'Alexandrie: un copte schismatique et un autre "melkite" fidèle à Constantinople.

Cette situation dure et pénible secouait l'Egypte pendant les trente années qui précédèrent la conquête arabe. Surtout de 609 à 610, le pays était un champ de bataille des forces légitimes de l'empereur Phocias et celles d'Heraclius. Mais bientôt le succès d'Heraclius périclita avec l'invasion des Perses qui ont conquis ses territoires occidentaux de 616 à 618, y compris l'Egypte. La conquête perse était dévastatrice, mais dès que les Perses avaient la situation en main ils laissèrent les Coptes pratiquer librement leur religion. Mais la maîtrise d'Héraclius sur la mer et sa frappe bien planifiée au coeur de la Perse conduit à l'évacuation perse de l'Egypte en 627. La restauration des Byzantins en Egypte signala une nouvelle et sanglante persécution des Coptes. L'instigateur de cette persécution fut Cyrus qui fut connu par les Arabes comme Muqawqis (le caucasien) qui était à la fois patriarche melkite d'Alexandrie et gouverneur byzantin d'Egypte.Muhammad semble avoir été en contact avec les gouverneurs perses d'Egypte qui, en janvier 627, lui avaient envoyé quatre jeunes filles esclaves (voir chapitre huitième).

Les forces musulmanes, sous l'égide d'Amr ibn-al-`Âs, ont foulé le sol égyptien en décembre 639. Après avoir conquis la plus grande partie du Delta, les Arabes marchaient sur Alexandrie, la capitale. Après la mort de l'empereur Heraclius en février 641, sons fils Constans II (647-648) rétablit le patriarche-gouverneur Cyrus à Alexandrie. A ce moment-là, la ville était inattaquable et les Byzantins auraient pu résister indéfiniment aux envahisseurs, mais Cyrus, pour des motifs personnels, négociait secrètement une capitulation. Celle-ci fut signée en novembre 641, avec l'accord d'un nouvel empereur et de l'impératrice mère Martina. Lorsque la nouvelle de la capitulation fut annoncée, les habitants d'Alexandrie manifestèrent avec violence, mais l'habile Cyrus les persuada de l'accepter.

Selon les provisions de la capitulation, les garnisons byzantines évacueraient Alexandrie en septembre 649 et n'y retourneraient pas ou tenteraient de redresser l'Egypte. En outre, les Egyptiens payeraient un tribut (jizya) de deux dînârs par an. Ils payeraient aussi une taxe de terre (kharâj) pour retenir leurs vies, leur biens et leur liberté religieuse. En revanche, les Musulmans renonceraient à la confiscation des églises et ne se mêleraient en aucune manière avec les Chrétiens. Il était aussi permis aux Juifs de rester à Alexandrie.

Les ambitions personnelles de Cyrus échouèrent avec sa mort en mars 642. Par conséquent, en septembre de la même année, les Arabes s'emparèrent d'Alexandrie, et alors procédèrent à réduire à sujétion le reste des villes du Delta, prolongeant leur conquête jusqu'aux Pentapolis, les cinq principales villes longeant la côte libyenne vers Tripoli.

Le succès des Arabes peut être attribué à leur force militaire basée sur la bonne organisation des dirigeants, l'ardeur d'une nouvelle nation tournée à la conquête, la recherche du butin et finalement la motivation religieuse à la guerre sainte (jihâd) de répandre la loi divine telle qu'exprimée dans le Qur'ân. A la différence des Arabes, les Byzantins étaient régulièrement renforcés durant la capture des villes majeures; ils avaient aussi l'avantage d'être entièrement une force cavalière. On le voit, tous ces facteurs contribuèrent sans doute à la conquête de l'Egypte. Toutefois la condition du gouvernement byzantin établi en Egypte fut plus importante que les facteurs précités.

Les Byzantins, comme leurs rivaux perses, étaient affaiblis à cause des guerres qui opposaient les deux empires pendant plusieurs générations. Ainsi pour compenser les revenus perdus et les dépenses et maintenir un budget militaire élevé, les deux empires imposèrent de lourdes taxes à leurs sujets qui par le fait avaient perdu leur sens de loyauté pour défendre les autorités impériales contre les envahisseurs. Ceci s'était vérifié en Egypte où plusieurs années non seulement d'une taxation oppressive mais aussi d'une persécution religieuse avaient enlevé à la population toute fidélité au régime byzantin. Toutefois, il n'y a pas d'évidence pour supposer que les Coptes faisaient corps avec les Arabes pour renverser le gouvernement égyptien. La chronique de Jean, évêque copte de Nikiou, montre que les Coptes, quel que soit le cas, n'étaient pas solidaires avec les envahisseurs. En outre, la persécution de Cyrus les avait laissés désorganisés et sans guide à tel point qu'ils étaient incapables d'offrir une aide quelconque pour influencer le cours de la guerre.

Selon le voeu du calife `Umar, le site sur lequel `Amr construit son camp devenait la nouvelle capitale nommée Fusâ. Ceci restait la capitale d'Egypte jusqu'en 969, lorsque les Fâtimides bâtirent une nouvelle capitale dans un quartier voisin qu'ils appelaient le Caire.

Dans ses accords avec les Coptes, après les atrocités de la conquête, `Amr les traitait avec clémence. Il y avait d'habitude des prohibitions discriminatoires de la Sharî`a, telles que le mariage d'un Chrétien avec une Musulmane, l'évangélisation des Musulmans, la conversion d'un Musulman au Christianisme, mais `Amr permettait aux Coptes d'occuper des postes administratifs et de jouir des moindres impôts et de plus de liberté religieuse qu'ils n'avaient sous les Byzantins. `Amr aménagea l'ancien canal pharaonique reliant Babylone à la mer rouge. Par cette voie les biens des Egyptiens passaient à Médine. Malheureusement le calife `Umar était insatisfait des revenus de la taxe égyptienne, car elle était moindre que celle que les Byzantins y récoltaient. Il exigea donc une augmentation de la somme à payer. Ceci étant contre le traité signé avec les Coptes, `Amr le refusa. Comme on pouvait s'y attendre, `Umar réduisit le pouvoir de `Amr en nommant en 644 `Abdallâh ibn-Sa`d ibn-abî-Sarh gouverneur de l'Egypte Supérieure et le chargea de percevoir la taxe sur la terre. Dans la même année `Umar fut assassiné, et son successeur `Uthmân retira `Amr complètement de l'Egypte.

En 645 une flotte byzantine accosta à Alexandrie, s'empara facilement de la ville et s'avança vers Fusât. Pour faire face à cette crise, `Amr fut renvoyé à l'Egypte. Vrai combattant, il défia l'armée byzantine près de Nikiou. Ce fut en 646. Dans la suite, il reconquit Alexandrie et punit sévèrement les citoyens. Après son succès militaire, `Amr se retira parce que le calife refusa de le nommer gouverneur d'Egypte plutôt que commandant militaire. C'était seulement en 658 que ses ambitions furent réalisées avec le califat de Mu`âwiya, en récompense pour avoir gagné l'Egypte à la cause de Mu`âwiya. `Amr mourut en Egypte en 664, à l'âge d'environ soixante-dix ans.

Durant les siècles suivants, l'Egypte revêtait un caractère de plus en plus islamique et arabe. De nombreux Arabes s'y installèrent, parmi eux des colons (muhâjirûn) et des clients locaux (mawâlî) qui vivaient assez longtemps dans le désert oriental d'Egypte. Petit à petit l'arabe remplaçait les langues copte et grecque comme langue officielle et vernaculaire du pays. Les Coptes aussi commençaient à céder à la pression générale de se faire musulmans puisqu'aujourd'hui pas plus que dix pour-cent de la population reste chrétien. Plusieurs se faisaient musulmans pour se marier avec des femmes musulmanes, pour trouver du travail ou des progrès dans les affaires, ou pour échapper à la persécution ou pour sortir de la condition de citoyen de seconde classe.

QUESTIONS:

  1. Commentez les avantages et les désavantages qu'a connus l'église égyptienne avant l'arrivée de l'Islam.
  2. Expliquez le succès remporté par les Arabes dans la conquête de l'Egypte.
  3. Comment les Chrétiens égyptiens étaient-ils traités par leur conquérants musulmans?
Au chapître 24