CHAPITRE 13
LE QUR'ÂN

Le Qur'ân dans sa forme actuelle comprend 114 sourates. A part la Fâtiha, la première sourate qui est une prière de rigueur pour toute occasion, comme le Notre Père chrétien, l'ordre des sourates n'est pas chronologique mais il procède plus ou moins de la plus longue à la plus courte.

Les spécialistes sont unanimes pour reconnaître qu'il y a eu un processus de rédaction du Qur'ân. La tradition musulmane reconnaît dans celle-ci non seulement l'ordre des sourates, mais aussi dans l'intercalation de passages de dates différentes, comme des versets médinois dans une sourate mecquoise. Les dates sont déterminées par le contexte historique des versets que la tradition islamique rapporte, mais aussi par la correspondance de certains thèmes à certaines périodes de la vie de Muhammad. La détermination de la date des passages qur'âniques est une affaire compliquée, mais en général les sourates les plus courtes sont antérieures; de même les passages très poétiques, avec des versets courts et rythme et rime puissants. Les passages postérieurs sont plus prosaïques; ils ont des versets plus longs et concernent des affaires administratives et militaires, les lois du mariage et de l'héritage etc.

Le Qur'ân entier se prétend être la parole de Dieu mise à la bouche de Muhammad. Pour cette raison il a un style fondamentalement oratoire. Néanmoins il y a des différences. D'une part, il y a des passages de poésie dense avec des mots ou lettres mystérieux qui évoquent le style d'un devin traditionnel, avec des proverbes. D'autre part, il y a des longs passages sur des questions de droit, et des passages narratifs relatant l'histoire des peuples et prophètes différents; mais tous ces passages concluent avec l'exhortation de croire à Dieu et à Muhammad. Toute personne qui lit le Qur'ân est immédiatement frappé par la façon dont les sourates manquent d'unité de sens et sont répétitives. Evidemment le même matériel fut prêché en des formes légèrement différentes dans des occasions différentes. On a cousu ces passages ensemble et on les a révisé plusieurs fois.

La rédaction apparaît non seulement en mélangeant du matériel de dates différentes mais aussi en des changements soudains de rime ou de pensée, avec des versets parasynthétiques qui qualifient, expliquent ou donnent des exceptions à une phrase, et semblent être d'une date postérieure. Quelques insertions coupent la structure grammaticale et laissent des phrases en suspension sans connexion, ou bien des pronoms sont soudainement changés du singulier au pluriel ou de la seconde personne à la troisième sans antécédent où un verset très long se trouve au milieu d'une série de versets brefs.

Les Musulmans ont un grand respect pour le Qur'ân, qui se montre par leur souci en l'écrivant, en le chantant ou le touchant ("Seulement les purifiés peuvent le toucher"- Q 56:79), et même en l'utilisant pour la protection ou la guérison. Pour les Musulmans le Qur'ân est la "parole de Dieu faite livre", comparable plus à "la Parole faite chair" qu'à la Bible. Cette vénération est enracinée dans l'idée que le Qur'ân est une copie de l'original céleste , "le livre-mère qui est chez nous" (Q 43:4), le "tableau gardé" (85:22); Dieu aurait fait descendre le Qur'ân complètement formé jusqu'au dernier mot, et le prophète ne fait que transmettre les mots qu'il a entendus. D'abord Muhammad pensait que ces inspirations venaient directement de Dieu (Q 53:10), mais plus tard il les attribua à Gabriel (Q 2:97).

Le Qur'ân contient les restes d'une idée antérieure et moins mécanique de la révélation, une révélation qui consiste en des signes ou suggestions faites au prophète (way: cfr. Q 42:51, 19:11, 6:112, 16:68, 99:2-5, 11:36, 23:27, 20:77, 26:52, 26:63, 7:160, 16:123, 21:108, 41:6). Ces suggestions laisseraient à Muhammad de formuler les mots exacts. Muhammad a eu l'habitude de travailler sur le Qur'ân la nuit quand les impressions sont les plus fortes et quand les mots justes viennent (Q 73:5-7), et il est averti de ne pas forcer la composition mais d'attendre l'inspiration quand les mots viendront (75:16-19). Au début de la carrière prophétique de Muhammad le Qur'ân venait comme une expérience lui imposée du dehors. Quand il essayait de reproduire cette expérience par lui-même, il fut frustré, mais en apprenant à détendre son sens, il trouvait que les passages qur'âniques coulaient plus facilement. Plus tard il devint une chose simple pour lui d'attendre des révélations qur'âniques à n'importe quel temps qu'il voulait, donnant l'impression qu'il fut l'auteur. Mais il prétendit toujours à l'autorité de la révélation de Dieu pour tous ces passages. La plupart des théologiens musulmans insistent que la révélation faite à Muhammad ne fut pas simplement au niveau des idées mais aussi de la verbalisation complète.

La preuve que Muhammad proposa pour l'origine divine du Qur'ân fut son inimitabilité. Le Qur'ân fait ce défi à ces opposants: "Si des hommes et des anges complotaient de produire un Qur'ân comme ceci il ne le pourraient pas, même s'ils combinaient toutes leurs forces" (17:88). "Dis-leur, 'Apportez une écriture divine avec un meilleur guidage et je le suivrai" (28:49). "S'ils disent qu'il l'a inventé, dis-leur, 'Inventez dix sourates pareilles, si vous avez raison" (11:13). Ce défi fut plus tard simplifié: "Apportez une sourate pareille, si vous avez raison" (2:23).

Toutefois il est évident que le Qur'ân accommoda des idées communes que les arabes avaient de l'histoire et d'autres affaires; ainsi il utilise des contes bibliques et apocryphes qui circulaient dans le Moyen Orient, même s'ils contiennent des erreurs. Le Qur'ân prétend avoir une origine divine même pour ces contes (28:43-48; 1:49; 3:44), qui insistent que Muhammad n'a jamais récité ni copié l'Ecriture juive ou chrétienne (29:48).

La façon dont les Musulmans conçoivent le Qur'ân influence leur vue de la Bible. Comme les Juifs, les Musulmans disent que Moïse fut le porte-parole de la Torah, et David des Psaumes. De même ils disent que l'Evangile est un livre que Jésus a prêché. Il n'y a pas de place pour les quatre évangélistes et les écrivains des épîtres etc., ni moins pour aucun développement oral précédant la rédaction finale de ces livres. Les Musulmans objectent aussi au sujet des récits scandaleux des patriarches et autres prophètes, qu'ils considèrent comme hommes de Dieu exempts de péché. Les Musulmans constatent que le Qur'ân contredit le Nouveau Testament au sujet de certains faits comme la crucifixion de Jésus. D'ailleurs ils affirment que la Bible contenait des prophéties sur la venue de Muhammad (Q 7:157, 61:6). C'est ainsi que les Musulmans imposent une interprétation islamique à certains passages, comme Jean 14-16 concernant le Paraclet, ou bien ils concluent que les écritures chrétiennes sont corrompues. La croyance commune des Musulmans que la Bible est corrompue est basée sur les accusations qur'âniques selon lesquelles ces écritures furent faussement copiées ou récitées (2:75; 2:78-9; 3:78; 4:46; 5:13-15). Alors les Musulmans rejettent tout passage biblique qui contredit le Qur'ân, mais ils citent des passages qui s'y accordent comme étant des révélations divines. D'ailleurs ils croient que le Qur'ân suffit et ils n'ont pas besoin de la Bible.

QUESTIONS:

  1. Donnez des exemples de différents styles littéraires du Qur'ân.
  2. Donnez des exemples d'incohérence et de répétition dans le Qur'ân.
  3. Discutez de l'idée musulmane commune de l'inspiration scripturale.
  4. Expliquez pourquoi les Musulmans font des griefs à la Bible.
Au chapître 14