CHAPITRE 14
HADÎTH

Pendant les premiers 150 ans de l'Islam, la loi islamique était une adaptation très libre du Qur'ân à de nouvelles circonstances. Le droit coutumier musulman était maintenu dans la mesure du possible, et les juristes musulmans avaient pris de nouvelles décisions sur base de leur opinion personnelle considérée. De cette façon la coutume juridique évoluait, et par un commun accord elle prit le nom et l'autorité de sunna. De façon concrète, sunna signifie "droit" ou "chemin battu", mais d'ordinaire ce mot renvoie à une "norme établie" ou "un exemple donné".

La loi islamique n'était pas uniforme. Les Médinois se rattachaient à Mâlik ibn-Anas (m. 796) et les Iraqiens à Abû-Hanîfa (m. 767). D'autres suivaient Ibn-Hanbal (m. 855). Une quatrième école se formait autour d'Ash-Shâfi`î (m. 380), un homme qui exerça une influence profonde et permanente sur toute la pensée Sunnite. Son principe fut que les Musulmans devaient être dirigés uniquement par la volonté révélée de Dieu, de telle sorte qu'une loi purement humaine fut considérée comme une concurrence avec l'autorité divine. Ash-Shâfi`î, en concluant dit que tout point de la Sharî`a doit se fonder sur une prescription qur'ânique ou sur une sunna qui peut être authentiquement attribuée au prophète par une chaîne de témoins.

On doute si Muhammad avait jamais eu l'intention de faire de ses décisions et de son exemple un héritage légal en dehors du Qur'ân. Il pouvait bien être l'interprète le plus qualifié du Qur'ân, mais il restait un interprète humain. Ainsi, les penseurs anciens, comme Mâlik, soutenaient que ses décisions pouvaient être rejetées chaque fois qu'il était possible d'avancer de meilleures raisons. L'originalité d'Ash-Shâfi`î fut de proposer que, comme sceau des prophètes, Muhammad soit un homme parfait, guidé par Dieu et un modèle impeccable que tout le monde doit suivre. Pour cette raison, le Hadîth, étant le récit de ce que Muhammad avait fait ou dit, fut une autre forme de révélation. Le Qur'ân, dit Ash-Shâfi`î, est une révélation récitée ou verbale, tandis que la Sunna est une révélation non-récitée, c'est-à-dire une révélation des idées desquelles Muhammad a dû trouver ses propres paroles. Néanmoins la Sunna, dont les rédactions écrites s'appellent Hadîth, est considérée comme révélation, indiquée dans le Qur'ân comme "la Sagesse" (2:129). Ash-Shâfi`î dit aussi que le Qur'ân peut se livrer à des interprétations bien multiples et diverses, et l'homme trébucherait dans l'aveuglement s'il essayait de comprendre le Qur'ân sans l'aide de la Sunna que Dieu a accordée. En outre, beaucoup de versets du Qur'ân ont été abrogés par d'autres versets postérieurs, et ceux-ci ne sont connus que par la Sunna.

La Sunna dorénavant est devenue l'équivalent du Hadîth, et un mouvement massif de rassemblement de Hadîth prit forme. Comme pour la plupart des pratiques aucune tradition provenant de Mu-hammad n'existait, on inventait les Hadîths en masse. L'autorité de créer ces Hadîths fut trouvée dans un Hadîth faussé citant Mu-hammad d'après lequel toutes les bonnes paroles existantes peuvent être supposées comme avoir été déclarées par lui et peuvent être acceptées suivant son autorité. Pour empêcher les extrêmes dans l'invention libre du Hadîth, un deuxième Hadîth fut créé comme contrôle: "Celui qui dit délibérément un mensonge à mon égard (Muhammad) aura sa place en enfer". Des centaines de milliers de Hadîths qui s'étaient amassés, la plupart furent finalement rejetés comme faux par une critique de leurs chaînes d'autorité, non pour des raisons de critique interne. Les restes furent incorporés dans des collections acceptées communément comme "authentiques" (sahîh), comme celles d'al-Bukhârî (m. 870), Muslim ibn-al-Hajjâj (m. 875), Abû-Dâ'ûd (m. 888), at-Tirmidhî (m. 892), an-Nasâ'î (m. 916) et Ibn-Mâja (m. 886).

La plupart des penseurs modernes acceptent un certain nombre de Hadîths comme provenants de Muhammad substantiellement, quoique cela ne soit dit en mots exacts. Ils considèrent d'autres Hadîths comme produit des compagnon