CHAPITRE 11
LA MORT ET L'HISTOIRE SUBSEQUENTE

En mars 632 Muhammad fit son dernier hajj. A ce moment tout le centre de l'Arabie était sous son contrôle. Au Sud et à l'Est les Musulmans étaient toujours minoritaires. Au Nord les tribus de la frontière étaient chrétiennes. Plus au Nord, le Shâm (Syrie-Palestine) fut conquis par Chosroës II de Perse en 610, trois ans après le début de la prédication de Muhammad. En 616 Chosroës prit l'Egypte. Depuis l'an 622 Héraclite menait la résistance byzantine. En août-septembre 626 Muhammad faisait un raid dans la ville Dûment al-Jandal sur la frontière du Shâm, mais la situation changea dramatiquement quand Héraclite mena un raid jusque dans le coeur de la Perse en décembre 627. En février 628 les nobles perses assassinèrent Chosroës et firent la paix avec Héraclite, abandonnant les territoires byzantins en 629. Entre-temps Muhammad faisait des raids sur les villages de la frontière comme Mu'ta en septembre 629 et Tabûk en octobre 630. La guerre entre la Perse et les byzantins perturbait le commerce qui passait par l'Arabie, mais en ce temps-là les Musulmans avaient adopté pour eux une économie de butin. Une fois l'Islam enraciné en Arabie, les Musulmans ont dû chercher le butin à l'étranger.

La dernière maladie de Muhammad commençait en avril 632. Après avoir passé quelque temps au cimetière la nuit priant Dieu de pardonner les péchés des morts, il rentra chez `Â'isha en se plaignant d'un mal de tête. En faisant le tour de ses femmes, sa maladie s'aggrava. Quand il arriva chez Maymûna il dût s'arrêter. Après avoir ordonné à Abû-Bakr de mener le allât dans la mosquée, il mourut dans les bras de `Â'isha à midi, le 8 juin 632.

Immédiatement, différents groupes surgirent et une lutte de pouvoir commença. Bientôt le choix tomba sur Abû-Bakr, probablement parce qu'il était vieux et ne pouvait pas troubler les ambitions des jeunes. Une fois qu'on lui avait prêté serment d'obéissance, on prépara Muhammad pour l'enterrer le lendemain. On creusa un tombeau en dessous du lit sur lequel il mourut. Le problème principal auquel s'affrontait Abû-Bakr (632-4) fut la révolte des tribus nomades. Ils ne répudiaient pas l'Islam comme tel, mais ils refusaient d'accepter l'autorité politique du calife (successeur) ou de lui payer le zakât. Khâlid ibn-al-Walîd, revenant d'une guerre contre les byzantins, mena une campagne qui réduisit les nomades à la soumission. Puis Khâlid mena les forces musulmanes à travers le Sud de l'Iraq et les territoires byzantins du Sud jusqu'à Jérusalem.

Abû-Bakr recommanda `Umar ibn-al-Khattâb (634-644) comme son successeur. Cet homme énergique continua les conquêtes, prenant la Perse, la Syrie, la Palestine et l'Egypte. Jérusalem se rendit pacifiquement et `Umar ordonna la construction d'une mosquée sur l'endroit des ruines du temple. Cette mosquée fut remplacée plus tard par l'actuel Dôme du Rocher. `Umar mourut, poignardé par un esclave perse.

`Uthmân (644-656) était un homme pieux, mais il voyait une opposition constamment croissante contre son règne. Les soldats qui combattaient dans les premières campagnes devinrent riches de butin, mais peu restait pour les foules qui entraient postérieurement dans l'armée. Quand s'épuisa le boom du butin, les soldats revenant de l'Egypte se joignirent avec les dissidents en Médine pour exiger l'abdication de `Uthmân. Ce dernier refusa, et ceux-là entrèrent de force dans sa maison et le tuèrent. Parmi les assassins de `Uthmân il y avait des Musulmans notables, comme le fils d'Abû-Bakr, tandis que `Alî maintenait un silence complice dans l'arrière-fond. Le scandale de cet événement fut un grand choc au monde musulman.

Les dirigeants de ce coup d'état choisirent `Alî (656-661) comme calife. Mu`âwiya, le gouverneur de Syrie en Damas refusa de reconnaître `Alî. Etant le plus proche parent de `Uthmân, il dit qu'il avait l'autorité (cfr. Q 17:33) de se venger de la mort de `Uthmân. Un autre groupe conduit par la veuve de Muhammad,`Â'isha, et deux hommes de la Mecque, ala et az-Zubayr, soulevèrent un autre révolte et allèrent en Iraq pour chercher un soutien. `Alî les vainquit près de Bara. ala et az-Zubayr furent tués, et `Â'isha fut renvoyée respectueusement à Médine.

Ensuite `Alî tourna contre Mu`âwiya. Les deux armées se rencontrèrent en juin 657 à iffîn sur l'Euphrate supérieur. Constatant que la bataille allait contre Mu`âwiya, certains de ses officiers suggérèrent que ses soldats lient des exemplaires du Qur'ân à leurs lances, en suppliant `Alî de cette manière de ne pas s'engager en guerre contre ses frères musulmans, mais d'accepter l'arbitrage. Certains de la partie de `Alî l'importunaient d'accepter cette proposition.

Voyant que les arbitres penchaient sur une décision contre `Alî, d'autres de sa partie décidèrent que `Alî avait péché d'avoir accepté l'arbitrage avec un rebelle (cfr. Q 49:9). Ces dissidents se retirèrent et on les surnomma "Khârijites", c'est-à-dire "ceux qui s'en vont". Eux-mêmes acceptèrent ce nom avec sa signification qur'ânique (9:81) de sortir et combattre comme Dieu l'avait commandé.

Quand le verdict attendu fut publié en avril 658 Mu`âwiya fut proclamé calife par ses disciples. `Alî n'accepta pas cela, mais il devait d'abord aborder le problème de ses propres dissidents, les Khârijites. Il persuada quelques-uns d'eux de rentrer, tandis que les autres il les massacra. Beaucoup d'autres le désertèrent à cause de cette action. En 24 janvier 661 un Khârijite tua `Alî.

Mu`âwiya persuada le fils de `Alî, al-Hasan, d'accepter un retrait à Médine. Les partisans de la famille de `Alî (plus tard appelés Shî`ites) suivirent l'autre fils de `Alî, al-Husayn, mais Mu`âwiya régnait sur le monde musulman, faisant Damas sa capitale. La dynastie Umayyade qu'il fonda renforçait la suprématie des arabes sur les non-arabes, et des Musulmans sur les non-Musulmans. Sous les Umayyades, la souveraineté musulmane s'étendit dans l'Ouest jusqu'à l'Atlantique, et vers le Nord à travers l'Espagne et même dans le Sud de la France. Elle s'étendit vers le Nord de l'Arabie à l'Arménie, et vers l'Est dans le Pakistan actuel.

Les Umayyades tombèrent sous les bras d'Abû-l-`Abbâs (750-54), qui fonda la dynastie `Abbâside, nommé d'après un oncle de Mu-hammad duquel ils descendaient. La dynastie Umayyade persista uniquement en Espagne, qui depuis 711 avait été une province musulmane et ne reconnut jamais l'autorité `abbâside. Faisant de Bagdad leur capitale, les `Abbâsides organisèrent un état prospère et promurent les sciences séculières avec l'aide des traductions des oeuvres scientifiques grecques. Ces études portèrent plusieurs avantages, mais elles provoquaient une tension entre les philosophes et les théologiens et entre les différentes écoles de théologie.

Le mécontentement social sous les `Abbâsides trouva expression dans le mouvement shî`ite. Commençant en Algérie à environ l'an 900, le calife Hammadimid transféra sa capitale au Caire en 969, fondant la mosquée-école d'al-Azhar. Les shî`ites de la Perse prirent Bagdad en 945, réduisant le calife `Abbâside à la position d'une marionnette, et donnant à leur propre leader le titre de "Sultân". Au cours du dixième siècle les Turcs d'Asie se faisaient musulmans et commençaient à étendre leur pouvoir dans l'Inde, et vers l'Ouest jusqu'à Bagdad en 1055. Les Turcs Seljûq furent des sunnites et leur leader, comme Sultân du calife `Abbâside, tenait le pouvoir réel dans l'Est. Les Turcs continuaient d'émigrer vers l'Ouest pour occuper la Turquie actuelle.

Pendant le onzième siècle l'Europe commençait à réclamer le Nord d'Espagne et les îles méditerranéens des Arabes. Lors de la première croisade contre l'Est, on prit Jérusalem en 1099. Les Musulmans se ralliaient sous la direction d'officiers turcs et kurdes, capturant l'Egypte des Fâtimides en 1168, avant que les croisades ne pussent le faire. Salâhaddîn expulsa la plupart des croisades avant sa mort en 1193.

En 1225 les Mongols, dont beaucoup furent chrétiens nestoriens, envahirent le territoire des Musulmans et en 1258 dévastèrent Bagdad. Ils continuaient vers l'Egypte mais, parce qu'une partie de leurs forces dut rentrer pour régler la succession dynastique, ceux-ci furent vaincus par les Mamlûks turcs d'Egypte. Dès 1300 les leaders mongols qui restaient en Asie musulmane choisirent l'Islam; ainsi les conquérants furent assimilés. Au seizième siècle, les Mongols prirent le contrôle de la plus grande partie de l'Inde. Au même moment les Shî`ites prirent la Perse, où ils restèrent dominant depuis lors.

Un autre empire surgit sous les Turcs Ottomans, qui s'étaient installés en Turquie sous les Seljûqs. En 1453 ils prirent Constantinople, et au 16e siècle prirent tout le Moyen Orient, la mer Méditerranée et sa côte du Sud, menaçant le coeur de l'Europe par leur conquête de la Hongrie et leur siège de Vienne. Au dix septième siècle le pouvoir turc commençait à s'affaiblir. Au dix neuvième siècle l'Europe prit une de ses provinces après une autre jusqu'à ce que la Première Guerre Mondiale ne laissât les Turcs avec rien d'autre que la Turquie actuelle.

Les Ottomans furent longtemps contents de reconnaître le calife nominal `Abbâside. Mais quand leur empire commençait à disparaître dans les mains de pouvoirs non-musulmans, le ulân d'Istanbul assuma le titre de calife afin de préserver une juridiction spirituelle (comme celle du Pape) sur les terres perdues. Ce titre fut adopté d'abord en 1774. Après la Première Guerre Mondiale les Turcs instituèrent un gouvernement séculier et en 1924 abolirent le califat.

Au dix neuvième et au début du vingtième siècle la plupart des terres centrales du monde musulman passèrent sous le règne ou l'influence de l'Europe, ce qui leur fit le défi de lutter pour l'indépendance et d'attraper le développement de l'Occident. Dans une grande partie de l'Asie et de l'Afrique l'Islam a un défi différent: c'est de s'accommoder à une société ethniquement et religieusement pluraliste.

QUESTIONS:

  1. Donnez une esquisse de l'expansion de l'Islam sous Muhammad et chacun de ses trois successeurs immédiats.
  2. Nommez et décrivez les trois divisions de la communauté musulmane qui se produisent de la guerre civile autour de `Alî.
  3. Quelles furent les dynasties majeures dans l'histoire islamique?
Au chapître 12