CHAPITRE 8:
ECHEC DE LA PERSUASION

Muhammad réunit les Juifs Qaynuqâ` à leur marché disant: "Prenez garde que Dieu ne se venge sur vous comme il l'a fait avec les Mecquois. Devenez musulmans, étant donné que vous me connaissez comme prophète envoyé. Vous n'avez qu'à vous rendre compte de cela dans votre Ecriture et dans l'alliance que Dieu a conclue avec vous". Les Juifs répondirent: "Muhammad, pensez-vous vraiment que nous soyons votre peuple? Ne vous trompez pas, car vous avez eu de l'avantage sur un peuple qui ne sait pas faire la guerre. Si nous vous combattons, vous reconnaîtrez que nous sommes hommes". Cette réponse, rapportée par Ibn-Ishâq, était considérée comme un acte d'agression et de violation de leur traité avec Muhammad mais Ibn-Hishâm raconte une autre scène d'hostilité:

Une femme arabe vint au marché Qaynuqâ` vendre un vase. Elle s'était assise au magasin d'un orfèvre. Les gens voulaient regarder son visage, mais elle refusa. L'orfèvre faisait un noeud clandestinement dans le bord de son vêtement par le derrière, de telle sorte que quand elle se mit debout, ses jambes furent exposées. Tout le monde se moqua d'elle et elle s'écria. Un Musulman alla précipitamment chez l'orfèvre juif et le tua. Les amis du Musulman soulevèrent les autres Musulmans qui se mirent en colère et devinrent ennemis des Qaynuqâ`.

Puis Muhammad les assiégea pendant quinze jours jusqu'à ce qu'ils se rendissent. Ce n'était que grâce à l'insistance d'`Abdullâh ibn-Ubayy (leader des Hypocrites) que Muhammad réserva un traitement clément aux Qaynuqâ` en confisquant leurs biens, la cinquième partie de ceux-ci lui revenant et le reste reparti entre ses compagnons. Les Qaynuqâ` furent autorisés de garder leurs femmes et enfants, mais contre la protestation de `Abdallâh ibn-Ubayy ils furent exilés en Syrie.

Ka`b ibn-al-Ashraf, dont la mère était juive, se rendit à la Mecque après avoir appris la victoire de Badr et composa des poèmes se lamentant de la victoire des Musulmans tout en les insultant. Mu-hammad dit alors: "Qui me débarrassera de Ibn-Ashraf?" Ibn-Maslama répondit: "Moi, Messager de Dieu! Je vais le tuer pour vous". Muhammad lui demanda alors de le faire s'il le pouvait.

Muhammad ibn-Maslama passa trois jours sans manger ni boire quoi que ce soit sauf ce dont il avait absolument besoin. Quand Mu-hammad lui demanda pourquoi il s'était mis à jeûner, il lui répondit que c'était là une compensation à la promesse rompue: "Je ne serai plus en mesure d'éviter de dire des mensonges". Muhammad lui dit: "Dites tout ce qui vous semble bon. Le mensonge est permis".

Ainsi, en complicité avec quelques amis, il envoya Silkân à Ka`b ibn-al-Ashraf. Silkân conversa avec lui pendant quelques minutes et ils récitèrent la poésie l'un à l'autre. Il dit alors: "Ibn-Ashraf, je venais vous raconter une histoire que je souhaiterais que vous gardiez secret". Ibn-Ashraf dit: "D'accord". Silkân dit: "La venue de cet homme est une grande détresse pour nous. Les nomades sont unis contre nous et nous ont dressé des barricades pour que nos familles et nous-mêmes soyons en privation et souffrance". Ka`b répondit: "Je n'ai cessé de vous prévenir que ceci devait arriver!" Silkân dit: "Je vous prie de nous vendre des vivres et nous te ferons une bonne promesse de sécurité... Nous vous donnerons des armes comme signe de promesse". Silkân voulait qu'il ne puisse pas s'en faire quand il lui apporterait des armes. Ka`b répondit: "Les armes peuvent être votre sécurité". Silkân alla voir ses amis et leur demanda d'amener leurs armes. Ils s'en allèrent se rencontrer avec Muhammad qui les expédia en ces termes: "Allez-y au nom de Dieu. Dieu, venez leur en aide!"

C'était le clair de lune et ils se mirent en route jusqu'au château de Ka`b. Silkân appela Ka`b pour descendre et parler avec eux pour quelque temps. Silkân dit alors: "Voudriez-vous nous accompagner pour que nous parlions pour le reste de la nuit?" Il répondit: "Comme vous voulez". Comme ils marchaient, Silkân passa sa main sur les cheveux de Ka`b. Il sentit sa main et dit: "Je n'ai jamais senti une odeur plus agréable que celle-ci". Après quelque temps Silkân fit la même chose, rendant Ka`b à l'aise. La troisième fois il le toucha par les cheveux et s'écria: "Frappez l'ennemi de Dieu" et ils firent de même, et l'ennemi de Dieu s'écroula. Par conséquent les Juifs étaient dans la panique et chacun craignait pour sa vie.

Muhammad épousa peu après la fille de `Umar ibn-al-Khattâb, Hafsa (n.4). Elle venait de perdre son mari à Badr. Pour chercher un autre mari, son père `Umar contacta d'abord `Uthmân ibn-`Affân qui venait lui aussi de perdre Ruqayya, la fille de Muhammad. `Uthmân ne s'y était pas intéressé. `Umar alla donc voir Abû-Bakr qui refusa également. `Umar alla se plaindre auprès de Muhammad quant au traitement qu'il avait reçu de ces hommes. Muhammad répondit: "Dois-je vous conduire à un beau-fils qui soit mieux que `Uthmân et dois-je conduire `Uthmân à un beau-père qui soit mieux que toi?" "Faites ainsi", répondit `Umar. "J'épouserai ta fille", dit Muhammad, "et `Uthmân prendra la mienne". Et Umm-Kulthûm fut donnée à `Uthmân.

Pas plus longtemps après leur défaite à Badr, les Mecquois, sous la conduite d'Abû-Sufyân, preparaient une contre-offensive. Les Musulmans qui apprirent ce plan se mirent à faire leurs propres préparatifs. Ils rencontrèrent l'ennemi à Uud. Au début le combat était difficile et beaucoup de Musulmans furent tués, y compris le guerrier préféré de Muhammad, Hamza. Les Musulmans prirent alors le dessus, mais ils commencèrent à ramasser du butin, exposant leurs arrières à l'attaque des Mecquois. Muhammad fut blessé et la rumeur fit état de sa mort. En combattant désespérément, les Musulmans ont pu sauver leur situation, ayant perdu 70 hommes contre 22 des Mecquois.

Sur cette bataille, le Qur'ân commente que l'aide divine et la protection angélique ne sont assurées que si les Musulmans combattent avec dévotion et persévérance (3:164-5). Les malheurs endurés à Uud étaient un test pour déterminer qui était vraiment sérieux avec la cause de Dieu et pouvait aller jusqu'à en mourir (3:141-3). Muhammad mourra comme toute autre personne mortelle et les Musulmans ne devront pas perdre espoir sur ce qui pourrait lui arriver (3:144-6). Les archers sont à blâmer pour avoir abandonné leurs positions en allant à la poursuite du butin, mais Dieu leur pardonnera (3:152-3). Les critiques qui disent que les Musulmans ne devraient pas quitter Médine pour combattre reçoivent comme réponse: Dieu est le maître de la vie et de la mort; mourir en son nom demeure un privilège (3:155-160).

Les dommages du côté musulman n'étaient que la moitié de ceux des Mecquois. Pourtant Dieu a permis aux Musulmans de souffrir à cause de leurs péchés et afin de les mettre à l'épreuve et de chasser les hypocrites des rangs des croyants (3:165-8). Les martyrs sont glorifiés; leur récompense en Dieu est plus grande que tout autre chose qu'un homme puisse avoir sur terre. Les richesses sont seulement une tentation contre les récompenses durables que Dieu promet (Q 3:169 ff.).

En désirant les tribus nomades comme des alliés dressés contre la Mecque, Muhammad envoya à deux reprises des missionnaires prêcher aux différentes tribus, et chaque fois ils furent tués. Par la suite Muhammad alla faire la guerre, et non la prédication, afin de gagner les nomades.

Après tous ces événements le moral des Musulmans était bas. Ils ont trouvé l'encouragement en vainquant les Banû-Nadîr, l'une des larges tribus des Juifs en Médine (cfr. Q 59). Muhammad alla leur demander de l'aide financière. Comme il se plaça contre le mur attendant qu'on la lui apportât, on l'informa des cieux que les Juifs se préparaient à jeter une pierre sur lui à partir du toit. A cette nouvelle, il se releva et retourna à Médine et ordonna à ses hommes de se préparer pour la guerre. Après un siège, les Banû-Nadîr demandèrent à Muhammad d'épargner leur vie et de les déporter, tout en les laissant prendre tout ce que leurs chameaux pouvaient transporter à part les armes. Après son accord, ils s'en allèrent à Khaybar et devinrent maîtres du territoire alors que d'autres se rendirent en Syrie. Uniquement deux des Juifs de Nadîr devinrent Musulmans afin de préserver leur propriété.

Après, Muhammad épousa Zaynab bint-Khuzayma (n.5); il avait aussi eu une fille et plus tard une autre femme de ce nom. Deux fois veuve, elle mourut huit mois plus tard. Un mois plus tard, en mars 626, Muhammad épousa la veuve Umm-Salama = Hind bint-abî-Umayya (n.6). Au début elle s'y opposa: "De mes parents personne n'est ici que je puisse consulter". Muhammad répondit que personne d'eux ferait objection. Elle insista: "Je suis avancée en âge et j'ai des enfants orphelins". Il répondit: "Quant à ton âge, moi je suis plus âgé que toi, et quant à tes orphelins, ils seront sous la responsabilité de Dieu et de son Messager." "Mais", dit-elle, "je suis extrêmement jalouse, et vous, Messager de Dieu, acquérez beaucoup de femmes". Il conclut en répondant: "Quant à cela, je prierai Dieu d'arracher la jalousie de ton cœur". `Â'isha fut quand même très jalouse d'elle. Ce mariage fut le début d'un schisme politique entre les femmes de Muhammad. `Â'isha et Hafsa sympathisaient avec leurs pères Abû-Bakr et `Umar qui furent les conseilleurs les plus hauts de Muhammad. Umm-Salama sympathisait avec la fille de Muhammad, Fâtima et son mari `Alî devinrent le centre d'une faction d'opposition après la mort de Muhammad.

Par la suite, Muhammad épousa Zaynab bint-Jash (n.7) qu'il avait marié auparavant, contre sa volonté, à Zayd ibn-âritha, autrefois esclave de Khadîja et maintenant client et fils adoptif de Muhammad. Un jour Muhammad alla chercher Zayd mais il ne le trouva pas chez lui. Mais il trouva Zaynab et fut frappé de sa beauté et dit: "Béni soit Dieu qui transforme les coeurs". Zaynab répéta cela à Zayd qui alla chez Muhammad et lui proposa de divorcer avec sa femme afin de permettre Muhammad de l'épouser. Muhammad le renvoya disant: "Garde ta femme et aie peur de Dieu". Mais le mariage était déjà secoué; Zaynab avait conçu l'ambition d'avoir Muhammad, et, pas longtemps après, Zayd divorça avec Zaynab. Muhammad fut alors tenté de l'épouser mais il hésitait, parce que c'était contre la loi coutumière des arabes. Mais une instruction qur'ânique l'autorisa de le faire (33:37). L'effet de cette action fut de marquer le développement du rôle prophétique de Muhammad d'un simple "avertisseur" ou "rappelleur" de vérités évidentes à un oracle pour n'importe quelle occasion. Tout ce qu'il disait au nom de Dieu fut accepté sans objection, si extraordinaire que ce soit. Ce défi à la tradition eût l'effet d'aggrandir son autorité parmi ses disciples. D'autre part, parce que Zaynab appartenait à une famille influente de la Mecque, ce mariage faisait pression sur les Mecquois d'accepter un jour l'autorité de Muhammad. Environ au même moment Mu-hammad imposa des restrictions aux visiteurs de sa maison qui devenaient de plus en plus ennuyants parce que sa maison fut son bureau (Q 33:53):

Croyants, n'entrez dans les appartements du Prophète que quand vous êtes invités à manger, et n'arrivez pas avant l'heure. Mais si vous êtes invités, entrez, et quand vous avez fini de manger, sortez sans rester à bavarder. Cela ennuit le Prophète et le fait avoir honte de vous. Si vous demandez quelque chose à ses femmes, parlez-leur à travers un rideau. Cela est plus pur pour vos coeurs et les leurs. Il ne vous est pas permis d'offenser le Messager de Dieu ou de jamais épouser ses femmes après sa mort. Cela serait un grand péché devant Dieu.

D'autres règles suivirent: Prophète, dis à tes femmes et filles et aux femmes des croyants de tenir leurs voiles bien fermés. De cette façon on peut les reconnaître mieux et on évitera de les offenser (Q 3:59). Dis aux croyantes d'abaisser leurs regards, de garder leurs parties privées et de ne pas montrer leurs ornements sauf à leurs maris, leurs pères, beaux-pères, fils, fils de leurs maris, leurs frères, fils de leurs frères ou soeurs, leurs femmes, esclaves, eunuques ou aux enfants qui n'ont pas encore eu expérience des parties privées de femmes. Elles ne doivent pas agiter leurs jambes pour faire évidence de leurs ornements cachés (Q 24:31).

QUESTIONS

  1. Discutez des motifs, de la procédure et de l'effet sur les Musulmans de l'action contre les Juifs Qaynuqâ` et Nadîr.
  2. Discutez des présuppositions éthiques dans le meurtre de Ka`b ibn-al-Ashraf.
  3. Montrez comment les mariages de Muhammad ont soutenu son autorité politique et prophétique.
  4. Discutez des leçons qui se dégagent de la bataille de Uud.
Au chapître 9