CHAPITRE 6
LA HIJRA

Cette persécution, dit Ibn-Ishâq, a engendré la première hijra dans l'Islam:

Quand le Messager de Dieu vit les souffrances infligées à ses compagnons et son incapacité à les protéger, quoique lui-même était exempté à cause de sa situation avec Dieu et son oncle Abû-Tâlib, il leur dit: "Si vous partiez en Ethiopie, vous auriez trouvé un pays ami dont le roi ne permet pas qu'une personne soit maltraitée. Restez là jusqu'à ce que Dieu vous soulage de votre situation actuelle". A ces mots, ses compagnons s'en allèrent en Ethiopie, s'échappant à l'abri de Dieu avec leur religion, car autrement ils seraient exposés à la renier.

Les adultes mâles au nombre de 83 s'en allèrent avec leur familles. L'un d'eux était le futur troisième calife, `Uthmân ibn-`Affân, qui s'en alla avec sa femme Ruqayya, la fille de Muhammad.

Selon Umm-Salama, la future épouse de Muhammad, "le Négus nous réserva une excellent hospitalité. Nous avons pratiqué notre religion en toute sécurité et nous avons adoré Dieu sans problème et sans réprimande". Quand une délégation de Mecquois vint à l'Empereur lui demander l'extradition des réfugiés musulmans, l'Empereur refusa de les livrer.

Ibn-Ishâq donne alors un récit fictif quant à la façon dont l'Empereur interrogea les Musulmans à propos de leur foi, déclarant qu'il n'y a point de Dieu excepté Allâh et Muhammad est son serviteur et messager, et que Jésus, fils de Marie, est son serviteur et messager, son esprit et sa parole qu'il avait placé en Marie". Ces mots sont une citation du 4:171, dont même les Musulmans disent qu'elle date de la période médinoise, bien plus tard que le temps de cette conversation.

A la Mecque, `Umar ibn-al-Khattâb (le futur deuxième calife) devint musulman. Il était auparavant ennemi farouche des musulmans, et sa conversion donna grand soutien à la communauté musulmane assiégée à la Mecque, surtout pendant une tentative de boycott social et économique des Musulmans. En cette période quelques Musulmans trouvaient protection auprès des éminents citoyens de la Mecque. Abû-Bakr fut protégé par Ibn-al-Dughunna, mais relâché après que ce dernier lui ait exigé de faire sa prière et la récitation du Qur'ân à la maison, plutôt que sur la rue où il énervait les Mecquois en réunissant une audience de leurs femmes et enfants.

C'est vers cette époque que Muhammad subira une expérience étrange. C'était un voyage de nuit à Jérusalem et une montée au ciel. On dit que Muhammad fut réveillé de son sommeil par Gabriel et monté sur "un animal blanc, moitié mulet, moitié âne, portant des ailes à tout bord avec lesquelles il propulsait ses pattes, à chaque pas avançant jusqu'à ce qu'on puisse atteindre sa vue". L'animal l'emmena à Jérusalem et le retourna en une nuit (Cfr. Qur'ân 17:1).

Là, Muhammad prétendait qu'il était monté au premier ciel où il vit beaucoup d'anges, dont l'un lui montrait le feu de l'enfer; il vit aussi les peines que recevaient les gens pour divers crimes. Dans le deuxième ciel il rencontra Jésus et Jean fils de Zacharie. Dans le troisième il vit Joseph, dans le quatrième Idrîs (un prophète d'identité incertaine dont parle le Qur'ân), dans le cinquième Aaron, dans le sixième Moïse, et dans le septième Abraham. C'est donc au paradis qu'il rencontra Dieu. Là, avec le conseil de Moïse, il discuta avec Dieu pour voir comment réduire les prières journalières de cinquante à cinq (Comparer Genèse 18:16-33) pourtant les cinq prières journalières ne s'étaient établies qu'à Médine.

Quand Muhammad raconta cette histoire, beaucoup de ses auditeurs pensaient qu'il était devenu fou. Et "beaucoup de Musulmans ont abdiqué à leur foi". Abû-Bakr éprouvait cependant une foi absolue en Muhammad et il dit à chaque partie de l'histoire que "cela est vrai". Pour cette raison Muhammad lui donna le titre de iddîq, pour dire "témoin de la vérité" (Comparer Jean 6:64-71).

En l'an 619 Muhammad souffrit de la perte de sa femme Khadîja (n.1). En remplacement il épousa Sawda (n.2), veuve de Sakrân ibn-`Amr. Sakrân avait émigré avec sa femme en Ethiopie et mourut après son retour à la Mecque. En même temps Muhammad épousa `Â'isha (n.3), la fille d'Abû-Bakr, âgée de 6 ans, mais il ne l'amena chez lui comme épouse que trois ans plus tard, à Médine. Ces mariages étaient des moyens importants pour cimenter les alliances entre les premiers musulmans.

En 619 Muhammad perdit son oncle et protecteur Abû-Tâlib. Mu-hammad avait une grande impatience de convertir son oncle avant sa mort, et Abû-Tâlib s'était quelque fois penché à l'Islam, mais refusait de changer. On dit que le Qur'ân 9:113 renvoie à cet événement.

Il ne s'agit pas pour les prophètes et les croyants de demander pardon pour les polythéistes, même s'ils étaient des relations proches, une fois qu'on leur a fait comprendre qu'ils sont des citoyens d'enfer.

Abû-Lahab succéda à son frère, Abû-Tâlib, comme chef du clan de Hâshim. Il promit d'abord de continuer à tenir Muhammad sous la protection du clan, mais ses amis lui suggéraient d'interroger Mu-hammad sur son grand-père décédé `Abdalmualib, qui avait élevé Muhammad avec beaucoup de gentillesse mais n'avait suivi que la religion traditionnelle de l'Arabie. "Etait-il en enfer ou pas?" Mu-hammad répondit qu'il était bel et bien en enfer. Pareille insulte à l'ancêtre du clan était considérée comme une raison suffisante pour que Muhammad ne jouisse plus de la protection du clan.

La situation de Muhammad était devenue préoccupante. Il obtint une protection temporaire d'un ami à la Mecque, mais recherchait de l'aide à l'extérieur. A l'exposition commerciale de 620 il tourna aux camps de visiteurs et leur dit qu'il était prophète et qu'ils devraient croire en lui et lui accorder leur soutien, renonçant à toute autre culte que celui de Dieu. Quelques personnes furent impressionnées, mais aucune n'a ouvertement accepté son message jusqu'à ce qu'il rencontra six hommes venant de Médine (connu à cette époque comme Yathrib), appartenant à la fédération des clans nommée Khazraj. Ils étaient en guerre avec une autre fédération de clans Aws.

Par ailleurs, quelques vingt clans de Juifs étaient aussi impliqués dans la guerre civile, déplaçant leur soutien d'un côté à un autre. L'effusion de sang était si grande et si prolongée que la population était sans espoir quant à un quelconque rétablissement. Les Juifs attendaient avec grande impatience la venue du Messie, dont ils pensaient qu'il restaurerait le royaume d'Israël. Aux temps de déboires avec les Arabes de Médine, nous dit Ibn-Ishâq, les Juifs devaient rappeler aux arabes qu'un jour le prophète (Messie) viendrait donner la suprématie aux Juifs. Quand les six hommes de Médine entendirent la prétention de Muhammad, ils se dirent les uns aux autres: "Par Dieu, savez-vous que c'est lui le prophète dont les Juifs vous avaient prévenu? Ne permettez pas qu'ils soient les premiers à s'approcher de lui". Ainsi ils ont accepté son appel, lui ont cru et sont devenus musulmans, disant: "Nous avons quitté notre peuple, car il n'y a pas de peuple aussi déchiré par la haine et le mal que le nôtre. Dieu pourra les unir par vous. Allons chez lui et invitons-le à votre religion et peut-être il l'acceptera comme nous. Si Dieu les unit de cette façon, il n'aura pas d'homme plus puissant que vous". Ils retournèrent alors à Médine en tant que croyants.

A l'exposition commerciale de l'année suivante (621) une forte délégation de Médine conclut un accord provisoire avec Muhammad, et l'année succédante (622) elle fit une alliance d'obéir à Muhammad et de combattre pour lui.

Cette deuxième alliance de `Aqaba avait deux résultats immédiats. Le premier était de lancer la communauté musulmane en guerre; le deuxième était la migration ou la hijra des Musulmans à Médine. Par après, la hijra et/ou la jihâd était la réponse à toute circonstance où la foi de Musulmans était en danger (fitna). Ibn-Ishâq cite le Qur'ân 22:39-41 et 2:193 comme la nouvelle règle permettant de combattre pour la défense de l'Islam.

Lorsque Dieu permit à Muhammad de faire la guerre, et que les Ansâr (Musulmans de Médine) décidèrent d'accepter l'Islam et soutenir Muhammad et ses disciples, le Messager de Dieu ordonna aux émigrants qui étaient en Ethiopie et à ses compagnons musulmans de partir pour Médine et de rejoindre leurs frères Anâr Il dit: "Dieu a pourvu à vos besoins, à vos frères et à vos maisons où vous pourriez être en sûreté". Ainsi ils partirent en groupe, mais lui-même resta encore à la Mecque en attendant que Dieu lui permette de quitter et émigrer à Médine.

Finalement Muhammad s'en alla secrètement la nuit avec Abû-Bakr, se cachant d'abord dans une cave pour esquiver les Mecquois qui étaient à ses trousses. Muhammad et Abû-Bakr arrivèrent enfin à Médine environ le 4 Septembre 622, c'est-à-dire le 12 Rabî` I (le troisième mois de l'année lunaire). L'année pendant laquelle la hijra eût lieu est comptée comme étant la première année de l'ère islamique.

QUESTIONS:

  1. Faites un commentaire sur les implications de la hijra en Ethiopie quant aux relations entre chrétiens et musulmans en Afrique.
  2. Comment la course de nuit et l'ascension ont-elles affecté la foi des Musulmans?
  3. Comment Muhammad devait-il quitter la Mecque?
  4. Décrivez la capacité politique de Muhammad dans l'obtention d'une base à Médine.
Au chapître 6