CHAPITRE 5:
LA DEFENSE PHYSIQUE ET INTELLECTUELLE

Trois années sont passées depuis sa première expérience prophétique lorsque Muhammad commença à prêcher en public et se heurta à l'opposition:

Cette paix dura jusqu'à ce que Dieu [dans le Qur'ân] réprimanda les idoles que les arabes vénéraient en dehors de lui-même et mentionna la déperdition de leurs ancêtres morts dans l'incroyance. Suite à cela, ils en sont arrivés à haïr le Messager de Dieu et à se montrer hostiles à lui.

La première opposition contre Muhammad semble, cependant, n'avoir pas de rapport avec le culte des divinités traditionnelles. Ibn-Ishâq ne donne aucun verset du Qur'ân pour illustrer la condamnation d'un tel culte à cette époque. Les adversaires de Muhammad se sont rendus compte que si son mouvement n'était pas jugulé, cela pourrait balayer tous les combattants et laisserait Muhammad maître de la Mecque et de l'Arabie. Ibn-Ishâq relate le premier tiraillement:

Un groupe de polythéistes vint sur eux au moment où ils faisaient le salât et les critiqua, s'attaquant à ce qu'ils étaient en train de faire, et les combattant même. Sa`d ibn-abî-Waqqâ frappa alors l'un des polythéistes au moyen d'une mâchoire de chameau et le blessa. C'était là la première effusion de sang en Islam.

Les Mecquois sont alors partis se plaindre à Abû-Tâlib:

Abû-Tâlib, le fils de ton frère a insulté nos dieux et notre religion. Il a qualifié de stupide notre manière de vivre et a dit que nos ancêtres étaient dans l'erreur. Vous avez soit à l'arrêter vous-même soit à nous permettre de le faire nous-mêmes, étant donné que vous êtes opposé à lui comme nous, et nous allons vous le débarrasser.

Abû-Tâlib leur donna une réponse diplomatique polie et ils s'en allèrent. On exerça une pression considérable sur lui pour qu'il rende Muhammad, mais il refusa fermement, quand bien même il n'eût accepté Muhammad comme prophète. Les Mecquois accentuaient leurs menaces, et à deux reprises ils huèrent Muhammad à la Ka`ba. La persécution diminua avec la conversion de l'oncle paternel de Mu-hammad, Hamza l'homme fort. Cet oncle apprit comment Abû-Jahl avait insulté Muhammad, et réagit:

Hamza était plein de rage et il sortit entreprendre une action pour laquelle Dieu devait l'honorer. Il courut et ne s'arrêta pas pour saluer qui que ce soit, décidé de punir Abû-Jahl dès qu'il devait le rencontrer. Quand il entra dans la mosquée il le vit assis au milieu des gens; il s'approcha ainsi de lui et se tint sur sa tête et, soulevant son arc il le frappa , lui donnant un grand coup et dit: "L'insulterez vous pendant que je suis sa religion et dis ce qu'il dit? Attaquez en revanche si vous le pouvez".

Comme les menaces ne pouvaient pas faire taire Muhammad, les habitants de la Mecque eurent recours aux promesses. Ainsi ils envoyèrent `Utba à Muhammad avec une offre:

Si vous souhaitez avoir de l'argent de votre entreprise, nous allons en rassembler assez pour vous rendre plus riche que n'importe qui d'entre nous. Si vous désirez l'honneur, nous vous ferons notre chef, pour qu'aucune décision ne soit prise sans vous consulter.

Si vous désirez la souveraineté, vous serez notre roi. Et si vous ne vous débarrassez pas de l'esprit qui vous hante, nous ferons appel à un médecin et nous lui payerons tout pour qu'il vous guérisse, car un homme est souvent possédé par un esprit jusqu'à ce qu'il s'en trouve guéri.

Muhammad rejeta d'abord cette offre, mais il fut attiré par la chance pour la paix:

Le Messager de Dieu cherchait une issue pour réussir une trêve et se rapprocher de son peuple. Lorsqu'il vit que son peuple lui avait tourné le dos et n'avait plus affaire à ce qu'il leur avait apporté de Dieu, il fut pris de détresse et désirait que Dieu envoya un message pouvant le réconcilier avec son peuple. A cause de son amour pour eux, il se réjouirait si l'os de leur dispute pouvait être un peu adouci. Il pensait beaucoup à cela et y avait mis tout son désir.
Dieu se révéla par la suite: "Par l'étoile quand elle descend, ton compagnon n'est pas égaré ni erré; il ne parle pas non plus de ce qu'il a envie de parler" (Q 53:1-3), jusqu'aux mots "Avez vous vu al-Lât, al-`Uzzâ et la troisième, Manât?" (Q 53:19-20). A ce point Satan lui plaça sur les lèvres ce qu'il pensait lui-même et son peuple attendait recevoir de lui: "Ce sont les ghurnûqs [crânes numidiens] volant plus haut dont on peut dépendre de l'intercession".

Quand les gens de Quraysh apprirent cela ils étaient contents et grandement satisfaits de la manière dont Muhammad parlait de leurs dieux et ils l'écoutèrent. Ses croyants avaient aussi accepté ce que le prophète leur avait ramené du Seigneur et ils n'avaient pas eu le moindre soupçon d'une erreur ou d'un glissement. Lorsqu'il arriva a la fin du sûra, il se prosterna. Les Musulmans l'avaient rejoint affirmant leur croyance en ce qu'il disait et obéirent à son commandement. Les Quraysh et autres polythéistes présents dans la mosquée se prosternèrent aussi parce qu'ils avaient entendu mentionner leurs dieux, de telle sorte que toutes les personnes dans la mosquée, croyants et non-croyants, se prosternèrent à terre. Puis, tout le monde sortit et les gens de Quraysh étaient contents de ce qu'ils avaient entendu au sujet de leurs dieux et dirent: "Muhammad a bien parlé de nos dieux, en ces termes: 'Ils sont des ghurnûqs volant plus haut dont l'intercession a été approuvée."

Par la suite Gabriel vint au Messager de Dieu et lui dit: "Mu-hammad, qu'avez vous fait? Vous avez dicté au peuple des choses que je n'ai pas apporté de Dieu et vous avez dit ce que je ne vous ai pas dit". Ceci attrista le Messager de Dieu et le fit avoir très peur de Dieu. Ainsi Dieu dans sa miséricorde lui fit une autre révélation apportant la lumière sur l'affaire et lui dit que tout prophète ou messager avant lui avait des désirs et espoirs pareils et Satan manipulait leur désirs, de la même façon qu'il vient de mettre des mots dans la bouche de Muhammad. Dieu se révéla ainsi: "Chaque fois qu'un prophète ou un messager que nous envoyons devant vous désirait quelque chose, Satan s'interposait à ses désirs, mais Dieu abroge ce que Satan a placé là. Dieu rétablit alors ses versets, étant donné qu'il est connaissant et sage". Donc, face aux déceptions des Mecquois, Muhammad rétracta les versets sataniques (cfr. Q 17:73-75), et répudia toute compromission par le Qur'ân 109.

Les chefs de la Mecque avaient alors tenté de discréditer Muhammad. Outre l'accusation (1) que Muhammad se mettait à détruire les coutumes et la religion traditionnelle de son peuple, une autre charge (2) était que Muhammad était un poète ou un devin (cfr. Q 21:3,5; 52:29-30). Cette charge est réfutée par cette déclaration: "Non, car nous savons la poésie sous toutes ses formes". Mais l'argument des critiques de Muhammad était que les poètes, tout comme les devins et les sorciers, étaient fous ou possédés (cfr. Q 37:36). Comme les Mecquois n'accordaient pas que son inspiration lui soit venue de Dieu, ils proposèrent que cela provenait des génies (cfr. Q 7:184; 15:6; 69:42), et donc il n'était pas nécessaire de prendre le Qur'ân au sérieux.

Une autre accusation (3) montrait que le Qur'ân était un emprunt: "C'est juste une contrefaçon qu'il avait inventé avec le concours des autres, des histoires d'antan qu'il écrivait pendant qu'on le lui dictait matin et soir" (Q 25:4-5; cfr. 68:15). "Un être humain lui apprend" (16:103).

En réponse aux critiques selon lesquelles Muhammad avait copié des autres, le Qur'ân dit dans le récit de Marie: "Voilà l'information sur l'inconnu que nous te révélons. Vous n'étiez pas là quand ils ont partagé le sort.." (3:44). Cette même affirmation est faite au sujet des histoires de Noé (11:49), Joseph (12:102) et Moïse (28:44-46).

Muhammad avait d'énormes occasions pour discuter de la religion avec les Juifs et les Chrétiens. Certains d'entre eux sont nommés par ses biographes. Muhammad n'avait pas bien lu la Bible (Q 29:48), qui n'était même pas encore traduite en arabe. La plupart des gens apprenaient la Bible en écoutant les histoires bibliques, à la manière dont ils apprenaient la poésie arabe et les contes traditionnels. Ces contes ont naturellement changé et les apocryphes y ont été ajoutés, comme on le voit dans le Qur'ân. L'originalité de Muhammad ne peut s'étendre qu'aux enseignements sur lesquels les contes insistaient et à la langue et au style arabe.

Quant à l'accusation (4) que Muhammad avait inventé lui-même les narrations coraniques, Muhammad rétorqua en défiant ses critiques de "produire une histoire semblable" (Q 52:34). Plus tard il les défia de produire "dix sûras" (11:13) ou même "une seule sûra" (10:38) semblable à celles qu'il avait produites, ou "un livre qui soit mieux orienté" (28:49). Le Qur'ân était présenté comme un miracle littéraire, la plus grande ou même l'unique preuve que Muh-ammad était le vrai prophète de Dieu (Q 17:88).

Quand les Mecquois ont vu qu'ils ne gagnaient rien de cette guerre des mots, ils ont fait recours à une persécution ouverte. Les esclaves et toutes personnes qui n'étaient pas protégées furent torturés et certains furent par conséquent morts. D'autres ont cédé à la pression et dissimulé leur foi. Le Qur'ân (16:106) pardonne aux Musulmans qui renoncent ouvertement à leur foi sous persécution tout en conservant leur croyance dans leurs coeurs.

QUESTIONS:

  1. Pourquoi les autorités de la Mecque se mettaient-elles à défendre la religion traditionnelle?
  2. Discutez de la réaction des premiers Musulmans aux attaques.
  3. Discutez de l'expérience de compromission avec les Mecquois.
  4. Evaluez les accusations que les Mecquois ont avancées pour discréditer les affirmations de Muhammad.
Au chapître 6