CHAPITRE 41:
DIALOGUE ET MISSION

Le mot "dialogue" est connu dans l'Eglise à partir de Paul VI dans l'encyclique Ecclesiam Suam (6 août 1964). Depuis ce temps-là, il a été très fréquemment utilisé par le Concile et dans d'autres enseignements de l'Eglise. Il signifie non seulement la discussion mais aussi toute relation inter-religieuse positive et constructive avec des individus et communautés de foi différente en vue de l'entente et de l'enrichissement mutuel. La mission est la communication par l'Eglise de l'amour rédempteur de Dieu révélé et communiqué aux hommes par le Christ. Cet amour est présent et actif dans le monde entier par l'oeuvre de l'Esprit-Saint. Pour chaque Chrétien, l'obligation missionnaire est l'expression normale de sa foi vécue. L'activité missionnaire comprend: 1) le travail pour répandre le Royaume de Dieu et ses valeurs à tous comme la justice sociale, la liberté et les droits de l'homme, et la reforme des structures sociales injustes; 2) la vie liturgique, la prière et la contemplation; 3) le dialogue où les Chrétiens rencontrent les disciples d'autres traditions religieuses afin de marcher ensemble vers la vérité et de travailler dans des projets communs; 4) l'annonce et la catéchèse où la Bonne Nouvelle de l'Evangile est proclamée, ses conséquences pour la vie et la culture sont analysées, et l'Eglise est établie.

Saint François d'Assise disait que "ceux qui par l'inspiration divine désirent aller parmi les Musulmans peuvent établir un contact spirituel avec eux en deux manières: Les premiers ne s'engagent pas dans des disputes, mais se soumettent à toutes les créatures humaines par amour de Dieu et professent qu'ils sont chrétiens. D'autres annoncent la parole de Dieu chaque fois qu'ils considèrent que cela plairait à Dieu".

Tout missionnaire doit aimer et respecter tout ce qui est bon dans la culture et l'engagement religieux des autres, à cause du "respect pour tout ce que l'Esprit, qui souffle où il veut, a produit en l'homme" (Redemptor Hominis, n°12). Le fait que la mission chrétienne ne soit jamais isolée de l'amour et du respect des autres constitue la preuve de la place du dialogue dans la mission des Chrétiens.

Le dialogue n'émerge pas de l'opportunisme et des tactiques du moment. Il naît des raisons que l'expérience et la réflexion et même les difficultés elles-mêmes ont approfondies. L'Eglise se sent conviée au dialogue principalement à cause de sa foi. Elle a le devoir de découvrir et de mettre en lumière toute la richesse que le Père a cachée dans la création et l'histoire non seulement en célébrant la gloire de Dieu dans sa liturgie mais aussi en promouvant parmi toute l'humanité le mouvement des dons du Père. Le Christ est la Parole qui illumine chacun et le Rédempteur présent par sa grâce dans toute rencontre humaine. L'Esprit Saint agit dans le plus profond des consciences des individus et les accompagne sur le chemin secret des coeurs vers la vérité, anticipant et accompagnant le chemin de l'Eglise.

Vatican II demande aux Chrétiens "par l'estime et la charité, de se reconnaître comme des membres du groupement humain dans lequel ils vivent, d'avoir une part dans la vie culturelle et sociale au moyen des divers échanges et des diverses activités humaines; ils doivent être familiers avec leurs traditions nationales et religieuses; découvrir avec joie et respect les semences du Verbe qui s'y trouvent cachées... Comme le Christ lui-même, de même ses disciples, profondément pénétrés de l'Esprit du Christ, doivent connaître les hommes au milieu desquels ils vivent, engager conversation avec eux, afin qu'eux aussi apprennent dans un dialogue sincère et patient quelles richesses Dieu, dans sa munificence, a dispensées aux nations; ils doivent en même temps s'efforcer d'éclairer ces richesses de la lumière évangélique, de les libérer, de les ramener sous l'autorité du Dieu Sauveur" (Ad Gentes, n°11).

Avant toute autre chose, le dialogue c'est une façon d'agir, une attitude et un esprit qui oriente la conduite de soi. Il comprend le souci, le respect, l'hospitalité envers l'autre. Il aménage le lieu pour l'identité de l'autre personne, ses modes d'expression et ses valeurs. Le dialogue est donc la norme et la façon nécessaire de chaque forme de mission chrétienne, et de chacun de ses aspects, qu'il s'agisse de la simple présence, du témoignage, du service ainsi que de la proclamation directe. Tout sens de la mission non pénétré par un tel esprit de dialogue irait contre les exigences de la vraie humanité et des enseignements de l'Evangile. Il existe plusieurs sortes de dialogue:

1) Chaque disciple du Christ, en raison de sa vocation humaine et chrétienne, est appelé à pratiquer le dialogue dans sa vie quotidienne, qu'il se trouve dans une situation majoritaire ou minoritaire. Il doit apporter l'esprit de l'Evangile à tout milieu où il vit et travaille, dans la famille, dans la vie politique, éducative, économique et artistique. Le dialogue trouve ainsi sa place dans le grand dynamisme de la mission de l'Eglise.

2) Un autre niveau de dialogue est celui des actes et de la collaboration avec les autres pour des buts de nature humanitaire, sociale, économique et politique, dirigées vers la libération et le progrès de l'humanité. Ce type de dialogue se réalise souvent aujourd'hui dans le contexte des organisations internationales où les Chrétiens et disciples d'autres religions affrontent ensemble les problèmes du monde.

3) Le dialogue au niveau des spécialistes est d'un intérêt particulier, qu'il s'agisse de confronter, approfondir et enrichir leurs héritages religieux ou d'appliquer leur expertise aux problèmes auxquels l'humanité doit faire face au cours de l'histoire. Un tel dialogue se réalise normalement là où un partenaire a déjà sa vision du monde et adhère à une religion qui l'inspire dans l'action. Ceci s'accomplit plus facilement dans des sociétés plurielles où diverses traditions et idéologies coexistent et quelquefois communient.

4) A un niveau plus profond, les personnes enracinées dans leurs