CHAPITRE IV
L'AME HUMAINE


Dans la tradition aristotélicienne, les philosophes arabes professaient que l'homme a cinq sens extérieurs et d'autres intérieurs. En dehors de ces puissances cognitives basées sur les sens, tous ces philosophes affirmèrent que chaque homme a une intelligence par lequel il connaît. Dans les détails chacun développa ses propres idées.

4.1 Al-Kindî

Le problème d'al-Kindî et des philosophes suivants était de concilier l'activité immatérielle de l'intelligence avec le fait que l'âme anime un corps physique. Si la forme est proportionnée à la matière, et si l'âme est la forme substantielle d'un corps, comment peut-elle avoir une activité immatérielle? Al-Kindî ne parlait pas de l'âme comme la forme du corps, mais comme une substance complète indépendante et séparable du corps, et il loue Platon pour cet enseignement. (1)

Quant au rapport de l'âme et du corps, pour al-Kindî, le cerveau est "la siège de toutes les puissances psychiques". (2)

Dans sa Risâla fî l-`aql al-Kindî distingue quatre intellects:

  1. l'intellect qui est toujours en acte. Il est éternel et al-Kindî laisse le lecteur supposer que cet intellect est Dieu, mais il ne le nomme pas tel quel; plus tard al-Fârâbî proposera un intellect agent entre Dieu et l'homme;
  2. l'intellect en puissance, qui est l'âme humaine en état d'ignorance. notons qu'al-Fârâbî nie une distinction entre l'âme et ses puissances sensitives ou intellectives;
  3. l'intellect qui est passé de la puissance à l'acte, ayant acquis (mustafâd), par l'influence du premier intellect, des formes intelligibles et s'étant identifié avec elles. Il s'agit ici de la connaissance habituelle;
  4. l'intellect manifeste (¹âhir), c'est-à-dire l'âme considérant actuellement ce qu'elle connaît. (3).

4.2 Ar-Râzî

Pour ar-Râzî, l'âme rationelle est immortelle parce qu'elle est une substance complète et immatérielle. (L'âme concupiscible et l'âme irascible périssent.) (4) Elle avait préexisté à la matière et, dans sa folie, désiré s'unir à elle. Pour revenir à sa félicité primordiale, elle doit se purifier par l'étude de la philosophie. Autrement, selon les idées de Pythagore et de Platon (du moins celles que lui attribuent ses adversaires), elle doit se purifier à travers un cycle de métempsychoses, en devenant parfois un animal. (5)

4.3 Ibn-Masarra

Ibn-Masarra développa l'idée que l'âme humaine est guidée par la "grande âme" (an-nafs al-kubrâ) du monde céleste et des intelligences séparées au-delà de celui-ci. (6) Il distingue quatre âmes: la végétative, l'animale, la rationelle, et une intelligence séparée à laquelle l'âme humaine se rapporte comme la lune au soleil. (7) Dans l'homme il y a le corps, l'âme animale et l'esprit divin, qui est la vérité (al-Œaqq) qui fut insufflée dans Adam. (8) Il définit l'esprit comme "un corps léger aéré", (9) tandis que l'âme est un pouvoir émanant des sphères célestes dans les corps et n'ayant aucune stabilité. (10)

4.4 IsŒâq ibn-¥unayn

A ce traducteur des ouvrages grecs en arabe est attribué un Kitâb an-nafs qui ne répète pas tout simplement ce qu'Aristote dit, mais avance quelques idées qui anticipent celles des philosophes postérieurs. Comme Platon, il dit que l'âme rationnelle est une substance comme le pilote dans un navire et non comme une forme matérielle; elle est un intellect séparé. (11) Dans cette vie elle a besoin de l'imagination, mais après la mort elle n'oubliera rien, car elle n'aura pas besoin d'un instrument. (12)

4.5 Qus³â ibn-Lûqâ

De ce traducteur et auteur a survécu un ouvrage al-Firq bayn an-nafs wa-r-rûŒ, sur la différence dans l'homme entre l'esprit et l'âme. "L'esprit animal" (ar-rûŒ al-Œayawânî) est une substance physique et subtile qui réside dans le coeur et dans le cerveau; il est corruptible, tandis que l'âme est distincte du corps et incorruptible. Cet esprit est l'instrument de l'âme pour animer le corps, tandis qu'un "esprit psychique" (ar-rûŒ an-nafsânî) dans le cerveau sert comme l'intermédiaire entre la sensation et le mouvement du corps, (13)

4.6 IsŒâq ibn-Sulaymân al-Isrâ'îlî

En cherchant à définir une série de termes philosophiques, IsŒâq ibn-Sulaymân distingue trois sortes d'intellect: (1) l'une qui est toujours en acte avec une connaissance toujours active de toutes choses, (2) une autre qui est en puissance, avant d'être actualisé, (3) l'intellect actualisé, ayant reçu la connaissance des sens à travers l'imgination. (14)

Quant'à l'âme, il est conscient de la différence entre Platon, qui fait de l'âme un principe extérieur au corps, et Aristote, qui en fait la forme du corps. Parmi les diverses formes de l'âme, il en reconnaît une qui anime la sphère céleste et est la cause de la génération ici-bas. Sur cette terre il y a des âme rationnelles, animales et végétatives. (15)

L'âme humaine agit à travers un "esprit" vital, basé dans le coeur et influençant tout le corps. Il est une substance corporelle qui se dissout avec le corps, tandis que l'âme est incorporelle et survit à la mort corporelle. (16) L'âme d'un homme est un principe extérieur à son corps, tandis que la "nature" est un principe intérieur. IsŒâq offre des définitions différentes de la nature, mais aucune d'elles n'est aristotélicienne. (17)

4.7 Al-Fârâbî

Al-Fârâbî reprend la structure hylémorphique de la nature selon Aristote, mais il lui donne une nuance propre. La matière est, bien sûr, le sujet de la forme, qu'elle possède ou bien en acte ou bien en puissance. Mais la matière n'est pas cette puissance pure; elle est un sujet qui reçoit ou revêt la forme, et la forme lui est donnée par un agent extérieur; elle ne provient pas de la matière. Voilà une lecture d'Aristote d'après l'enseignement de Platon. (18)

Une autre curiosité de l'enseignement d'al-Fârâbî sur ce sujet est qu'il semble croire en une multiplicité de formes dans un même individu. "Un corps devient la matière d'un autre corps ou bien en lui donnant sa forme complètement, ou bien en le revêtant de quelque chose de sa forme." (19) Al-Fârâbî applique cette idée à l'âme humaine, où il voit chaque puissance inférieure comme la matière de la puissance immédiatement supérieure à lui. (20) Il dit la même chose sur les rapports des quatre intellects qu'il distingue dans la connaissance humaine. (21) Quoique dans son ad-Da`âwî al-qalbiyya il dit que l'homme n'a qu'une seule âme, dan son Falsafa Aris³û³âlîs il prend une position très claire sur la multiplicité des formes ou des âmes dans un individu. (22)

Al-Fârâbî distingue les quatre intelligences autrement qu'al-Kindî: L'homme a des puissances végétatives, sensitives et intellectives. Parmi ces dernières,

  1. il est né avec un intellect qui est raisonnable (nâtiqa) en puissance (l'intellect possible d'Aristote); cet intellect s'appelle aussi l'intellect matériel (hayûlânî).
  2. En recevant les premiers principes intelligibles, il devient un intellect en acte (munfa`al = bi-l-fi`l).
  3. Quand cet intellect progresse jusqu'à la perfection de la connaissance, il devient un intellect acquis (mustafâd); ainsi il devient "divin" (ilâhî), parce qu'il est en contact avec Dieu à travers le monde des esprits séparés de la matière. (23) Dans son Falsafa Aris³û³âlîs, al-Fârâbî va même jusqu'à dire que ces différents étages de l'intellect font une distinction de nature (³abî`a) et d'essence (jawhar). (24).
  4. L'homme est incapable de sortir par lui-même de sa condition de matérialité sans l'action de l'intellect agent. Cette puissance postulée par Aristote, et que Saint Thomas maintient comme individuelle à chaque homme, fut interprétée par les commentateurs grecs comme un esprit séparé de chaque homme et unique pour toute l'humanité, occupant la place la plus basse dans la hiérarchie des esprits célestes. Al-Fârâbî accepta cette idée et identifia cette intelligence avec "l'esprit fidèle" (ar-rûh al-amîn) et "le saint esprit" (rûh al-qudus) du Qur'ân, que les musulmans entendent être l'ange Gabriel.

La tâche de l'intellect agent, selon al-Fârâbî, est d'abord d'imprimer dans l'intellect possible les premiers principes d'intelligence, comme le principe de la contradiction. Ensuite il s'occupe d'aider l'homme à arriver à la béatitude en lui inspirant (s'il y trouve la disponibilité) la connaissance supérieure. (25) Al-Fârâbî n'exige pas l'acte de l'intellect agent pour la connaissance ultérieure, mais il explique que les images provenant des sens extérieurs passent par le sens commun et l'imagination jusqu'à la "puissance de discrétion" [la cogitative] qui les prépare pour l'intellection. (26)

Dans ses Ta`lîqât al-Fârâbî remarque que par les rêves et prémonitions l'homme a un contact naturel avec "les premiers", c'est-à-dire les esprits célestes. (27) Il continue de dire que l'oeuvre de l'imagination est de préparer l'intellect à recevoir les formes intelligibles "du donateur des formes". (28) Il dit aussi que l'intellect agent influence même les âmes des corps célestes; (29) c'est peut-être parce que dans cet ouvrage il parle d'intellects agents nombreux, chacun dans un niveau différent de perfection; (30) ceux-ci sont à identifier avec les intellects séparés correspondant à chaque sphère céleste, comme c'est affirmé explicitement dans la Risâla fî ithbât al-mufâraqât.

Est-ce que, pour al-Fârâbî, l'intellect agent a une fonction cosmique comme il en a pour Ibn-Sînâ? Dans ses grands traités de siyâsa il n'en dit rien. Dans une réponse à des questions qui lui avaient été posées, il dit simplement que les formes viennent à la matière par l'action et la passion des choses sensibles. (31) Dans son opuscule important sur les sens de l'intellect (Risâla fî l-`aql) il dit que les formes dans la matière sont données par l'intellect agent, (32) et que les corps célestes, qui sont les premiers agents sur les corps terrestres, lui donnent la matière dans laquelle il travaille. (33) Dans son Falsafa Aris³û³âlîs, où il soulève la question formellement, (34) il dit que les corps célestes, avec le concours de l'intellect agent, peuvent agir sur les éléments et corps terrestres et produire l'existence des choses, mais l'intellect agent seul agit sur l'intellect humain, et les choses naturelles ont leur propres causes naturelles; par exemple l'homme donne naissance à un homme. Dans son Zaynûn al-kabîr al-yûnânî il est plus précis:

Il a une intelligence constante du Premier et une intelligence constante de ce qui est en dessous du Premier. De son intelligence du Premier les âmes raisonantes sortent de lui; de son intelligence de ce qui est en desous du Premier les formes viennent nécessairement de lui. Les âmes des sphères coopèrent avec lui à préparer les causes pour la réception des formes, juste comme un médecin ne donne pas la santé, mais prépare les causes pour la réception de la santé. (35).

Dans sa Risâla fî l-`aql al-Fârâbî dit que l'intellect agent, étant en acte plénier et possédant toutes les formes, connaît toutes choses, et de lui dérive l'existence matérielle de ces formes. (36) Cette conception reprend le monde des formes de Platon, et elle est tout à fait contraire à Aristote, pour lequel il n'y a que l'intellect possible qui connaît.

L'ouvrage Kitâb maqâlât ar-rafî`a fî uªûl `ilm a³-³abî`a, du point de vue du style et de doctrine, me semble inauthentique. C'est un traité qui présente une hiérarchie dans l'homme de l'intellect, l'esprit et l'âme, où l'intellect, qui est suprême, habite avec l'esprit dans le coeur, tandis que l'âme habite dans le cerveau.

4.8 Miskawayh

Comme les autres philosophes arabes, Miskawayh voit l'activité intellectuelle qui distingue l'homme des bêtes comme raison de dire que l'âme humaine est une substance distincte du corps, (37) ayant une relation accidentelle avec le corps. (38) Comme substance simple, elle ne se distingue pas de l'intellect et elle connaît "par son essence". (39) Elle n'est pas simplement le moteur du corps, (40) mais sa connaissance d'elle-même est un retour de sa totalité dans la totalité de son essence. (41) En ce mouvement elle est (comme disait Platon) dans sa totalité moteur et mue. (42)

Quant à la connaissance, Miskawayh dit que notre intellect est actualisé par un autre intellect qui est toujours en acte. (43) Cet intellect est la première des créatures de Dieu. (44) Ailleurs Miskawayh parle des "intellects agents" correspondant aux corps célestes. (45) Comme ces corps célestes sont l'un au dessus de l'autre, les esprits célestes sont rangés dans une hiérarchie. (46) Quoiqu'il n'élabore pas la fonction de l'intellect agent, Miskawayh lui attribue l'origine des premiers principes rationnels, qui selon lui ne viennent pas des sens. (47)

Miskawayh anticipe Ibn-Rushd en parlant de l'unicité de l'âme ou de l'intellect:

Une substance qui n'est pas un corps est indivisible... Si parfois nous parlons autrement c'est par métaphore. Car si nous disons que l'âme particulière a telle ou telle condition, ou que l'âme universelle a telle ou telle forme, nous n'affirmons pas une division corporelle, mais nous voulons nier que les individus multipliés par accident ont une multiple gouvernance d'âme. Nous nommons les aspects de cette gouvernance de façon approximative, même si ce n'est pas réellement comme cela, pour nous faire entendre. Par exemple, l'humanité est dans les hommes, même si elle diffère par matière et complexion; en réalité elle est une du point de vue du concept. Comme un sceau est différent selon qu'il est en argile, en cire, en plomb ou en argent, selon la différence de la matière, il reste néanmoins un en lui-même. Ainsi nous disons que la puissance signifiée par l'humanité est une, même si elle diffère par matière. Cette puissance-là gouverne toute la matière selon qu'elle est matière de cette puissance. Elle est comme un homme qui bâtit une maison d'argile, ou fait un étang pour l'eau, ou construit un bateau de bois, et fait de toute matière ce qu'elle peut recevoir et qui satisfait son dessein. (48).

Mais ce passage ne s'accorde pas avec al-Fawz al-aªghar, où Miskawayh dit qu'un plaisir de l'âme séparée est la compagnie d'autres âmes semblables. (49)

4.9 Ibn-Sînâ

Ce que c'est l'âme

Quant à Ibn-Sînâ, dans son AŒwâl an-nafs, il cherche d'abord une définition de l'âme; (50) il conclut que l'âme doit avoir un rapport à un corps, mais dans le cas de l'homme elle serait un moteur extrinsèque, et elle n'est pas "imprimée" dans le corps ou mélangée à lui; si l'on veut l'appeler forme, ce n'est pas comme l'habitant du corps, mais comme son dirigeant. (51) Dans les mots d'ash-Shifâ':

L'âme n'est pas imprimée dans le corps ni ne subsiste en lui, mais son rapport particulier (ikhtiªâª) avec lui est une sorte de configuration (hay'a) individuelle, l'attirant à s'occuper de la direction d'un corps individuel, avec une providence essentielle et particulière à lui. (52).

Ailleurs Ibn-Sînâ va jusqu'à dire que l'âme est "la forme" par laquelle le corps existe et agit. (53) En tout cas, dans son essence (anniyya), l'homme n'est pas son corps, mais il est son âme, en dépit du fait que ceux qui sont immersés dans le monde des sens pensent autrement. (54)

Dans ash-Shifâ', Ibn-Sînâ maintient que toute âme, même celles des plantes, est une substance (jawhar) et non un accident (`ara²), distincte du corps et lui donnant sa consistence et son existence. Mais, dit-il, toute substance n'est pas forcément séparable. Parlant des formes intermédiaires, Ibn-Sînâ soutient qu'il n'y a pas d'autre forme actuelle que l'âme, et l'âme d'un animal est la cause des activités proprement animales, comme la sensation, et aussi des fonctions végétatives. (55) Dans le cas de l'homme, la vie végétative, la sensation et l'intellection ne reviennent pas à trois âmes, mais à une seule. Ibn-Sînâ dit que sur ce point il diffère de Platon (et implicitement d'al-Fârâbî). (56)

Mais il ne faut pas oublier que quand il écrit sur la chimie Ibn-Sînâ attaque ceux qui soutiennent que dans un composé les éléments perdent leurs formes pour prendre la seule forme du composé; et il dit que la terre et le feu guardent leurs formes substantielles dans la chair, mais leurs qualités actives sont modifiées. (57)

Rapport avec le corps

Dans ar-Ru'yâ wa-t-ta`bîr, Ibn-Sînâ donne des précisions sur le rapport entre l'âme et le corps:

L'homme n'est pas une seule entité (ma`nâ), mais il est composé de deux substances: l'âme et le corps. L'âme a la fonction du sujet, et le corps, avec tous ses membres, est comme l'instrument que l'âme utilise pour ses différentes opérations. Ce qui est surprenant c'est que le corps n'est pas un instrument extrinsèque, comme une glaive... mais le corps est un instrument avec lequel l'âme fait une composition, en conservant la figure et l'utilisant pour ce dont elle a besoin. (58).

Toutefois, en soutenant que l'âme et le corps sont deux substances distinctes, avec un rapport accidentel entre elles, Ibn-Sînâ ne voit pas la conséquence que, si l'âme n'est pas la forme du corps, le corps doit avoir une autre forme qui n'est pas l'âme. (59)

Quant à la mode de gouvernance du corps, Ibn-Sînâ dit que l'âme agit par l'intermédiaire du coeur, et le coeur régit les puissances sensitives et végétatives, chacune dans son organe, par l'intermédiaire des "esprits" physiques. (60)

Auparavant Qus³â ibn-Lûqâ avait postulé un "esprit animal" (ar-rûŒ al-Œayawânî) qui sert comme intemédiaire de l'âme pour donner la vie au corps, tandis qu'un "esprit psychique" (ar-rûŒ an-nafsânî) dans le cerveau sert comme intermédiaire entre la sensation et le mouvement du corps (61) Cette idée fut retenue par Ibn-Sînâ dans son al-`Ilm al-ladunî, (62) mais dans ar-Ru'yâ wa-t-ta`bîr, (63) il dit qu'il y a trois esprits: l'un végétatif dans le foie, le deuxième animal dans le coeur, le troisième psychique dans le cerveau. Et il va jusqu'à dire qu'il y a trois âmes correspondantes qui sont les formes de ces esprits. Cette position, contre sa position exprimée ailleurs, soulèverait la question de l'authenticité de cet ouvrage, mais, comme on a vu, la multiplicité des formes substantielles s'accorde avec le dualisme d'Ibn-Sînâ. Les trois esprits avec leurs sièges propres se retrouvent aussi dans l'introduction de sa Risâla aª-ªalât, où les trois esprits semblent impliquer trois âmes, dont seule l'âme rationnelle est immortelle. (64)

Les sens

Ibn-Sînâ, comme Aristote, distingue les cinq sens externes. (65) Mais pour les sens internes, il présente un schéma un peu différent [Ibn-Rushd sera plus exact]: (1) le sens commun (al-mushtarak), (2) l'imagination (al-khayyâl/ al-mutaªawwira) qui retient les sensibles, (3) le pouvoir estimatif (al-mutawahhima) qui juge le bien ou le mal des sensibles en particulier, (4) la mémoire estimative (al-mutakhayyila), ou le cogitatif (al-mufakkira) dans le cas des hommes, pour retenir ce qui l'estimatif présente, et (5) la mémoire (al-Œâfi¹a/ adh-dhâkira) qui retient tous les sensibles et leur signification (ma`ânî, du bien ou du mal) en général. (66) Le raisonnement, remarque-t-il, prend du temps parce qu'il utilise l'imagination. (67)

En dépit de la distinction radicale qu'Ibn-Sînâ fait entre l'âme et le corps, il maintient que les sens extérieurs et intérieurs servent l'âme comme source de connaissance. Surtout dans la géométrie et dans l'astronomie, des diagrammes et représentations graphiques sont nécessaires. (68) D'autre part, les sens peuvent être un obstacle au raisonnement abstrait, parce que les sens ne veulent pas être laissés à part par une activité intensive de l'intellect. (69)

Les quatre intellects

Dans ash-Shifâ' Ibn-Sînâ suit al-Fârâbî dans la répartition des intellects, avec l'addition de l'intellect habituel. (70) Le premier, appellé "l'intellect matériel" par ressemblance à la matière première vide de toute forme, est aussi "intellect passif" par rapport à l'intellect agent (71). Le deuxième est l'intellect en acte quand il fait un jugement. Le troisième est l'intellect habituel qui connaît les premiers principes évidents et ce qui dérive de ces principes. Le quatrième est l'intellect perfectionné ou acquis (mustafâd). Le cinqième est l'intellect agent.

La Risâla fî l-Œudûd (72) et la Risâla fî l-`uqûl (73) présentent les mêmes cinq intellects, mais dans ces traités l'intellect en acte précède l'intellect acquis, et les intellects agents sont multiples et indentifiés avec les anges. La Risâla fî l-Œudûd poursuit d'expliquer d'autres termes, comme "l'intellect de tout" (`aql al-kull), qui peut s'entendre comme l'intellect qui gouverne la sphère extrême, de laquelle découle tout le mouvement de l'univers, ou comme tous les intellects intermédiaires; le dernier de ceux-ci est l'intellect agent pour les âmes humaines. De la même façon, "l'âme de tout" (nafs al-kull) sont toutes les âmes des corps célestes. Le rapport entre ces âmes et les intellects correspondants est le même qu'entre nos âmes et l'intellect agent. L'âme [de la lune] est la cause proche de l'existence des choses sublunaires, et elle-même reçoit son existence de l'intellect qui lui correspond. Dans cet ouvrage Ibn-Sînâ explique que les termes variants, "âme universelle"/ "intellect universel" (an-nafs al-kullî/ al-`aql al-kulli) n'indiquent qu'un concept universel qui inclut toutes les âmes ou tous les intellects célestes, mais ailleurs il parle autrement: L'intellect qui est la première création et qui dirige toute la création qui suit s'appelle parfois "l'âme universelle" (an-nafs al-kullî) ou, dans un language religieux et non philosophique, "l'esprit universel" (ar-rûŒ al-kullî). (74)

Dans un passage remarquable de son an-Nukat wa-l-fawâ'id fî l-`ilm a³-³abî`î, Ibn-Sînâ compare les cinq intellects avec les éléments de Qur'ân 24:35:

Allâh est la Lumière des cieux et de la terre. Sa Lumière est à la ressemblance d'une niche où se trouve une lampe; la lampe est dans un verre; celui-ci semblerait un astre étincelant; elle est allumée grâce à un arbre béni, un olivier ni oriental ni occidental, dont l'huile éclairerait même si nul feu ne la touchait. Lumière sur Lumière. Allah, vers Sa Lumière, dirige qui Il veut.

L'intellect matériel c'est la niche. La pensée par laquelle l'intellect habituel cherche le terme moyen d'une démonstration c'est l'olivier; la saisie rapide de ce moyen c'est l'huile; l'intellect habituel (`aql bi-l-malaka), s'il est faible, c'est le verre; s'il est fort c'est la sainte puissance dont l'huile éclairerait même si nul feu ne la touchait. L'intellect acquis (al-`aql al-mustafâd), qui connaît actuellement les principes premiers et ce qui en derive c'est la lumière sur lumière. Quand il peut se tourner aisément vers les choses intelligibles en se mettant devant les rayons des lumières saintes, c'est l'intellect en acte (al-`aql bi-l-fi`l), ou la lampe. L'intellect agent qui donne l'existence à l'âme et lui donne cette connaissance c'est le feu. (75)

La Risâla fî ithbât an-nabuwwât donne une autre interprétation de ce verset qur'ânique: "Dieu est la lumière; l'intellect matériel est la niche; l'intellect acquis est la lampe; un état moyen entre ces intellects [i.e. l'intellect habituel] est le verre. Mais l'olivier c'est la puissance cogitative (al-quwwa al-fikriyya), le sens intérieur qui est entre l'intellect (l'est d'où vient la lumière) et les sens purement animaux (l'occident où la lumière disparaît). L'intellect agent, enfin, c'est le feu." (76)

On peut noter en passant que dans son Tafsîr âya an-nûr, Ibn-Sînâ refère toutes les images de ce verset à MuŒammad, qui illumine le monde; de même dans Risâla al-fi`l wa-l-infi`âl. (77) Dans al-`Ilm al-ladunî il fait de l'esprit animal la lampe; le coeur est le verre, la vie sa brillance, le sang l'huile; la sensation et le mouvement sont sa lumière; le concupiscible est sa chaleur, et l'irascible sa fumée. (78)

En résumé, la répartion des intellects en ash-Shifâ', qui suit plus ou moins al-Fârâbî, fut repensée dans les autres ouvrages. La Risâla fî l-Œudûd (79) et la Risâla fî l-`uqûl (80) font un changement dans l'ordre, et an-Nukat ajoute un autre changement. Puis AŒwâl an-nafs, (81) `Uyûn al-masâ'il, (82) `Uyûn al-Œikma (83) et Risâla fî ithbât an-nabuwwât (84) réduisent les intellects à quatre, tout à fait comme ils sont présentés par al-Kindî.

Ash-Shifâ': R. fî l-Œudûd/`uqûl:      An-Nukat:      Les autres:
l'intellect matériel matériel matériel matériel
l'intellect en acte habituel habituel habituel
l'intellect habituel en acte acquis en acte
l'intellect acquis/saint      acquis en acte
l'intellect agent agents multiples agent agent

La Risâla fî l-`uqûl précise que les divers intellects de l'homme (l'intellect agent exclu) ne sont que des divers états (aŒwâl) de l'intellect spéculatif. (85)

L'intellect en acte

Bien qu'Ibn-Sînâ décrive la connaissance des choses matérielles comme un processus d'abstraction à partir des sens, (86) il insiste que les premiers principes, comme "le tout est plus grand qu'une de ses parties" etc. ne peuvent pas provenir de l'expérience sensible, parce qu'ils sont trop certains et universels; ainsi ils doivent provenir d'une "émanation divine". (87)

Dans ash-Shifâ' Ibn-Sînâ explique que les formes intelligibles ne sont dans l'intellect que quand il y pense actuellement. L'intellect n'a pas de connaissance habituelle, mais seulement une préparation proche à recevoir ces formes de nouveau de l'intellect agent. L'intellect ainsi préparé est "une sorte de l'intellect en acte" (al-`aql bi-l-fi`l), mais quand il connaît actuellement il est "l'intellect acquis" (al-`aql al-mustafâd). (88) Ainsi Ibn-Sînâ adopte la terminologie d'Aristote d'une connaissance habituelle, mais il en vide le sens en la situant dans un contexte néo-platonicien où toute connaissance est par infusion d'en haut.

Dans an-Nukat il n'est pas clair qu'Ibn-Sînâ nie la connaissance habituelle, comme il le fait dans ash-Shifâ'. Néanmoins il affirme: "S'il arrive que l'âme a des actes d'intelligence de façon stable, et que ces actes sont présents par une considération actuelle, elle est en effet en contact avec l'intellect agent." (89)

L'intellect ne peut pas être pleinement en acte en cette vie, mais après la mort il le sera, en étant en conjonction continuelle avec l'intellect agent. (90) De même, l'intellect humain dans cette vie peut connaître l'existence des substances séparées et certaines conséquences essentielles (lawâzim), mais il ne peut pas connaître leur essence même (Œaqîqa), ni l'essence des choses sensibles de ce monde, mais seulement leur propriétés et accidents. (91)

L'intellect agent

L'intellect agent, comme pour al-Fârâbî, ne fait pas partie de l'homme, mais il en est séparé. Mais Ibn-Sînâ va beaucoup plus loin qu'al-Fârâbî. En effet, pour Ibn-Sînâ, l'intellect agent donne l'existence aux intellects humains, à toutes les âmes et (avec l'action dispositive des corps célestes) (92) aux quatre éléments naturels. (93) Aussi il possède toutes les formes intelligibles, (94) et il les imprime dans l'intellect de l'homme "par une émanation divine", selon la disposition de l'intellect de recevoir cette émanation. (95) Il n'est pas Dieu, parce qu'il produit des effets multiples, tandis que Dieu, l'Un, ne peut produire qu'un seul effet, le premier intellect créé. (96)

Au dessus de l'intellect agent il y a toute une hiérarchie d'autres intellects supérieurs: les âmes des corps célestes—puisque Ibn-Sînâ insiste que ceux-ci sont animés, doués d'intelligence et d'imagination pour regler leur movement (97)—puis les intelligences complètement séparées de la matière, et au dessus de tous le Premier Principe qui donne l'existence à tous. (98)

Il faut noter que dans ses diverses ouvrages Ibn-Sînâ identifie l'intellect agent avec des divers esprits célestes:

(1) Plus strictement c'est l'intellect séparé qui correspond à la sphère lunaire, comme le passage suivant l'exprime:

Ce dixième [intellect, celui de la sphère de la lune] les philosophes l'appellent l'intellect agent. Il est l'esprit de sainteté, qui donne nécessité à nos âmes et les perfectionne. Sa relation avec nos âmes (kalimât) est comme la relation du soleil aux yeux. Il est celui qui a salué Marie en disant, "Je ne suis que l'émissaire de ton Seigneur, pour que je te donne un garçon pur" (Qur'ân 19:19). (99).

Dans la Risâla fî bayân al-mu`jizât wa-l-karâmât wa-l-a`âjîb, Ibn-Sînâ identifie cet intellect agent avec la "table conservée" (lawŒ maŒ¹) du Qur'ân 85:22.

(2) Ailleurs il parle de l'inspiration non seulement par l'intellect agent mais aussi par les substances séparées en général. (100) Dans sa Risâla az-ziyâra wa-d-du`â' Ibn-Sînâ explique que les huit intelligences séparées correspondant aux sphères célestes sont toutes désignées par les philosophes comme intellects agents. (101) La Risâla fî l-`uqûl les identifie avec les anges. (102)

(3) Enfin, parfois il identifie l'intellect agent avec le premier intellect, que Dieu crée sans intermédiaire. (103)

Dans sa Risâla fî ithbât an-nubuwwa, Ibn-Sînâ explique que l'intellect agent donne les premiers principes intelligibles directement, mais la connaissance ultérieure par l'intermédiaire du raisonnement. (104) Mais ailleurs Ibn-Sînâ donne à l'intellect agent un rôle beaucoup plus large.

Dans le sommeil, l'intellect agent agit directement sur l'intellect humain et par l'intermédiaire de celui-ci il agit sur l'imagination (at-takhayyul). Mais dans l'éveil c'est le contraire: l'intellect agent agit directement sur l'imagination, et par celui-ci sur l'intellect. (105) Les rêves, en effet, peuvent provenir: (1) des sensations qu'on a eues avant de dormir, (2) de à quoi on avait pensé avant de dormir, (3) de la condition de l'esprit psychique du cerveau qui dépend des conditions physiques, et enfin (4) de l'intellect agent, qui donne prescience des choses futures. (106) Ibn-Sînâ explique que l'intellect agent remplit l'univers par son opération sans y être mélangé, mais veillant sur lui par sa providence.

C'est ce que les Àâbi'ens anciens apellaient "le Directeur Immédiat" (al-mudabbir al-aqrab), les autres philosophes grecs "l'Infusion Divine" (al-fay² al-ilâhî), les Syriens "le Verbe" (al-kalima), les Juifs "Shakîna" et "Esprit de Sainteté", les Perses"Shayd Shaydân" (Lumière des Lumières), les Manichaeëns "les bons esprits", les Arabes "les Anges" et la Détermination Divine (at-ta'yîd al-ilâhî), et Aristote "l'Intellect Agent".

Cet intellect s'occupe du bien-être de tout l'univers, mais surtout du bien-être des hommes. Son inspiration, au plus haut dégré, c'est la prophétie; après cela, sa providence s'étend surtout aux rois et aux philosophes (Œukamâ'), qui dirigent les autres. (107)

Dans sa ar-Risâla al-aŒ²awiyya fî l-ma`âd, Ibn-Sînâ discute l'opinion que les âmes séparées peuvent agir sur les hommes vivants pour le bien ou le mal, suivant l'état de ces âmes séparées. Certains disent que les âmes non-purifiées retiennent le sens intérieur estimatif, et c'est par celui-ci qu'elles agissent sur les êtres corporels. Ils disent aussi que les âmes bonnes sont les jinn, tandis que les mauvaises sont les shayâ³în, ou démons. (108) Mais nous avons vu plus haut que, pour Ibn-Sînâ, tous les sens se corrompent à la mort, et les jinn ne sont que les sens intérieurs.

Intellect-âme

Si l'intellect est une substance, il ne peut pas être une puissance de l'âme. En lui déniant l'utilisation d'un organe Ibn-Sînâ dit que cette puissance "connaît par son essence". (109) On trouve la même confusion dans ar-Risâla al-`arshiyya, où Ibn-Sînâ compare la connaissance que Dieu a de lui-même avec la connaissance que l'âme a d'elle-même. (110) Dans Risâla fî s-sa`âda, Ibn-Sînâ argumente que la puissance intellective est une substance distincte du corps.

Les actes de cette puissance proviennent d'elle de par son essence, et non par quelque chose d'extrinsèque à son essence. Et tout ce dont l'acte provient de lui par son essence et non par quelque chose d'extrinsèque à son essence, est une substance subsistant par son essence. Autrement, l'intelligence serait plus noble que la substance et l'essence. (111)

D'autre part, il présente l'âme rationelle comme ayant deux puissances, l'une spéculative ou cognitive qui regarde l'univers intelligible en haut, l'autre pratique qui regarde en bas ce qu'il faut faire dans les choses particulières. (112)

L'immortalité

Pour l'immortalité de l'âme, Ibn-Sînâ rejette l'exclusivisme d'al-Fârâbî et, avant lui, d'Alexandre d'Aphrodisias, qui disent que l'intellect devient immatériel en s'informant des formes intelligibles et que les âmes ignorantes seront anéantises. Optant pour l'opinion de Thémistius, il dit tout simplement que l'intellect de l'homme survie à la mort. "L'âme sans corps est l'homme véritable." (113) "La mort n'est plus que l'abandon par l'âme de ses instruments." (114)

Ibn-Sînâ présente deux arguments pour montrer que tout le monde a une âme immortelle. Le premier est l'expérience par l'âme de sa propre activité comme étant différente de celle du corps. Ibn-Sînâ suppose que si quelqu'un était dans le vide sans aucune sensation extérieure, son âme néanmoins aurait conscience d'elle-même. (Il ignore ici l'activité des sens internes et l'impossibilité d'une conscience de soi en l'absence d'une conscience de quelque chose d'intelligible, normalement à travers la sensation.) Ainsi il conclut que l'âme est une substance complète en elle-même, indépendante du corps mais qui influence le corps, surtout par ses émotions, beaucoup plus que le corps n'influence l'âme. (115)

Le deuxième argument est que l'intellect, comme réceptacle des formes intelligibles, doit être de soi immatériel et immortel. (116) Comme il n'utilise pas le corps comme organe, l'intellect en est indépendant et peut en être séparé. C'est l'argument classique d'Aristote et des scolastiques. Le principe de cet argument est qu'en dehors de notre connaissance des singuliers sensibles, nous connaissons les essences des choses d'une manière intelligible et universelle. L'intelligibilité réelle des choses dans notre connaissance n'est pas individualisée par la matière, mais elle est spirituelle. Cet objet spirituel est l'actualisation de l'intelligence, d'une manière habituelle (comme mémoire) ou d'une manière actuelle. Or, l'acte et la puissance sont commensurables. Si l'acte est spirituel, la puissance doit elle aussi être spirituelle. L'intelligence et l'âme humaine sont alors spirituelles et forcément immortelles. Un signe de cela est, comme Aristote avait dit, que l'intelligence ne s'affaiblit pas par la veillesse, ni souffre en connaissant ce qui est très intelligible, comme les sens souffrent par les objets sensibles trop forts. (117) Mais, pour Ibn-Sînâ cet argument a la faiblesse se situer dans le contexte d'un dualisme, où il présente l'âme comme une substance complète à part du corps. (118)

L'âme, alors, bien qu'elle soit "possible" ou contingente du point de vue de son existence et son commencement temporel, du point de vue du manque de composition de forme et matière dans son essence elle ne peut pas cesser d'exister. (119)

Originalité de l'âme par rapport au corps

D'autre part, l'âme n'a pas de pré-existence, parce que l'humanité est une, et ne peut se multiplier que par la matière. Quand les éléments sont mis dans la complexion juste qui peut recevoir l'âme, l'âme est créée et jointe au corps. (120) Le corps est nécessaire pour le commencement de l'existence de l'âme, mais non pour sa continuation dans l'existence. (121)

Ainsi l'âme a été créée avec le corps, par rapport auquel elle prend son individuation. (122) En quoi exactement consiste cette individuation? Ibn-Sînâ rejette "l'impression de l'âme dans le corps", et ainsi "la matière désignée par la quantité" de Thomas d'Aquin. Ibn-Sînâ dit que cette individuation doit être un ordre ou une configuration (hay'a) de l'âme, ou bien une puissance, ou un accident spirituel ou une combinaison de ceux-ci. Elle peut être aussi une différence de connaissance intellectuelle, l'auto-conscience, ou différence des puissances corporelles, ou d'autres choses, même si nous ignorons lesquelles. (123) Dans les Ta`lîqât, parlant de l'individuation (tashakhkhuª) en général, il dit qu'elle consiste en position et temps. (124) En tout cas, il n'y aura aucune fusion des âmes dans une seule âme ni une fusion avec Dieu. (125)

Pas de métempsychose/ résurrection

Ainsi l'âme ne peut prendre un autre corps que le sien, ce qui exclut la possibilité de la réincarnation ou transmigration d'âmes. (126) Parmi ceux qui soutiennent cette doctrine, Ibn-Sînâ envisage (1) les représentants des traditions orientales (comme l'Hindouisme) auxquelles il fait allusion en citant "Buzurgmihr", (127) (2) des philosophes grecs comme Platon et Pythagore, qu'il excuse en disant qu'ils parlent métaphoriquement, (128) et (3) ceux qui croient que l'âme se réunit au corps à la résurrection. (129) Ibn-Sînâ rejette la réincarnation, procédant tout à fait dans la ligne d'argumentation que Saint Thomas prendra plus tard, mais sans toutes les précisions qu'il apportera.

Toute cette explication implique qu'après la mort il n'y aura pas de résurrection des corps. Ibn-Sînâ exprime sa pensée explicitement dans sa Risâla aª-ªalât, où il nie la possibilité de la resurrection ou de l'immortalité de l'esprit (ou âme?) végétatif et animal, mais il l'affirme pour l'âme rationnelle.

Celle-ci aura la résurrection après la mort. "Par la mort je veux dire sa séparation du corps; par la résurrection je veux dire sa conjonction avec les substances spirituelles et sa récompense et sa béatitude conséquentes." (130)

Peut-être de peur des conséquences de cette position, à la fin de cet ouvrage Ibn-Sînâ donne une admonition au lecteur de ne pas divulger son secret, pour le garder du mal. (131)

Dans son Kalimât aª-ªûfiyya, Ibn-Sînâ cite des versets qur'âniques (89:27-28; 70:4; 54:55; 33:44; 22:48; 75:30, 12; 53:8) pour dire que c'est l'âme sans le corps qui apparaît devant Dieu. (132)

Néanmoins, on voit dans l'ouvrage soufique, al-`Ilm al-ladunî, l'affirmation: "L'âme rationnelle... attend son retour au corps au jour de la résurrection, comme dit la révélation." (133) Est ce qu'il parle métaphoriquement ou en considération de ses auditeurs? Dans le même ouvrage il insiste que l'âme est une substance complète et indépendante du corps. (134) La Risâla fî l-Œudûd dit que c'est seulement par la révélation (shar`) que l'on sait qu'il y aura une béatitude corporelle, (135) mais ce traité n'entre pas dans l'interprétation de cette béatitude.

Le traitement le plus définitif de la question se trouve dans l'ouvrage tardif, ar-Risâla al-aŒ²awiyya fî l-ma`âd. D'abord il rejette l'opinion basée sur plusieurs versets qur'âniques que l'homme est un corps ayant la vie comme accident; en mourant le corps est réduit à la poussière et la vie disparaît; la résurrection est une ré-création. Dans ce cas-là l'homme ressuscité n'est pas le même qu'avant, parce que la forme du corps n'est pas numériquement la même. (136)

Ensuite il rejette l'opinion la plus commune chez les Musulmans, que la résurrection c'est la réunion de l'âme avec le corps reconstitué. Si l'on suppose, avec Ibn-Sînâ, l'éternité du monde, cela est impossible, parce que la terre serait insuffisant pour la formation d'une infinité d'hommes. Et si la vraie béatitude de l'homme est spirituelle, il serait une punition de le faire rentrer dans un corps où la béatitude complète est impossible. D'ailleurs, qu'est-ce qu'une telle résurrection sinon une réincarnation, qui est une autre impossibilité? On ne peut pas échapper à ce problème en disant que c'est le même corps avec la même matière qui sera ressuscité. Car peut-être que le corps a subi une mutilation; et aussi, par le processus du métablolisme, la matière se change continuellement et inévitablement, et par un cycle naturel ou par le cannibalisme la même matière est partagé par plusieurs corps humains. (137)

Plus particulièrement, Ibn-Sînâ attaque l'enseignement chrétien de la résurrection, parce qu'il affirme la résurrection du corps, mais rejette les plaisirs corporels dans le Paradis. Pour Ibn-Sînâ, tous ces plaisirs annoncés dans le Qur'ân sont des descriptions métaphoriques de la vision de Dieu et de la communion des anges et des saints. Mais il est persuadé qu'une prédication de récompenses corporelles est nécessaire pour motiver les gens ordinaires, et que la prédication chrétienne manque de toute force morale. (138)

4.10 Ibn-Gabirol

Pour Ibn-Gabirol, l'âme s'attache au corps sans le toucher; (139) elle le fait par l'intermédiaire d'un esprit [physique]. (140) Dans la gradation hiérarchique de l'univers, l'âme est l'intermédiaire entre l'intellect [séparé] et les sens. (141) Il y a trois âmes dans l'homme: l'âme vitale (ha-Œayônîth), l'âme végétative (ha-ªômêŒah), et l'âme rationnelle (ha-madbarath). (142)

Ibn-Gabirol distingue entre l'intellect universel et l'intellect particulier. (143) On peut présumer que le premier est l'intellect séparé proposé par les autres philosphes du monde arabe, et le deuxième est l'âme rationnelle. Ibn-Gabirol opte pour le théorie de Platon de la connaissance innée qui est obscurcie par la matière, et auusi que d'apprendre c'est en fait de se rappeller. (144)

4.11 Ibn-Bâjja

La Risâla al-ittiªâl d'Ibn-Bâjja continue dans la tradition d'al-Fârâbî des diverses classes d'hommes. Il distingue: (1) la majorité (jumhûr) qui, comme les gens de la caverne de Platon, n'ont que la connaissance sensible ou matérielle, (2) les physiciens (³abî`iyûn) qui connaissent les formes intelligibles abstraites à travers les sensibles, et (3) ceux qui connaissent directement l'intellect agent; ceux-ci sont en contact avec l'intellect agent à travers la science divine (métaphysique) et non par l'imagination décevante des Àûfîs. (145) L'intellect de ces adepts est numériquement un et l'object de leur intelligence (al-ma`qûl) l'est aussi. Le sort de ces derniers est la félicité éternelle, mais sans aucune individualité, tandis que la masse des gens n'ont rien à attendre.

L'intellect aquis (al-`aql al-mustafâd) est l'intellect humain perfectionné par la connaisance certaine et toujours en acte, de telle sort que l'intellect et l'intelligible sont unis. (146)

Ibn-Bâjja, peut-être sans connaître l'opinion de Miskawayh, prêchait l'unicité de l'intellect qu'Ibn-Rushd adopta.

Le premier moteur de l'homme c'est l'intellect en acte, et celui-ci est l'intelligible en acte, puisque l'intellect en acte est l'intelligible en acte... L'intellect en acte est une puissance active... Cet intellect alors est numériquement un dans chaque homme. Il découle de ce qu'on a noté auparavant que les hommes existants et passés et absents sont numériquement un. Mais cette idée est répugnante et peut-être impossible. Mais si les hommes existant et passés et absents ne sont pas numériquement un, cet intellect n'est pas un. En un mot, si cet intellect est numériquement un, les personnes qui ont un tel intellect sont toutes numériquement un. (147)

Il explique que la multiplicité apparante de cet intellect provient de ses rapports multiples avec des divers sujets matériels. On peut observer que, comme Ibn-Rushd dans son Commentaire moyen sur le De anima, l'intellect en acte et l'intellect agent sont identifiés, et il n'y a pas de place pour un intellect possible, sauf si on appelle l'imagination "intellect matériel".

4.12 Ibn-Ãufayl

¥ayy ibn-Yaq¹ân commence sa spéculation sur l'âme en faisant une autopsie de la biche, sa mère adoptive, et la vivisection d'autres animaux. Il découvre que le principe de vie est un esprit physique dans le ventricule gauche du coeur. (148) Puis il aborde une théorie moniste que cet esprit est réellement un mais multiple par accident. (149) Ensuite il étend ce monisme aux plantes et minéraux et à toutes choses, disant qu'une seule réalité se manifeste en des modes inégaux dans tout ce que nous observons dans le monde. Il conclut cette méditation en expliquant comment l'esprit animal est une composition de forme, qui est l'âme, et de matière primaire. (150)

L'homme est distinct et supérieur à tous les animaux. (151) L'intellect est son essence, et il est indépendant du corps. (152) Dans ce passage Ibn-Ãufayl ne parle pas d'un monisme de l'intellect humain, parce que ¥ayy ibn-Yaq¹ân n'a pas encore connu l'existence d'autres hommes. Mais à la fin il affirme l'unicité de toutes les âmes humaines, qu'Ibn-Rushd proposera après, et il nie la survie individuelle:

Si les essences séparées avaient un corps qui existe toujours et ne se corrompt pas, comme les sphères célestes, elles existeraient toujours. Mais si elles appartiennent à un corps qui retourne à la corruption, comme l'animal rationel, elles se corrompent et disparaissent et s'annéantissent, comme les rayons reflétés. Car leur forme n'a pas plus de stablilité que celle qui est dans un miroir; si le miroir se corrompt, la forme aussi se corrompt et disparaît. (153)

Ibn-Ãufayl parle aussi de "l'esprit ou l'intellect qui émane toujours de Dieu et est comme la lumière du soleil qui émane toujours sur le monde". (154) On penserait ici à "l'intellect agent" des autres philosophes, mais dans le système moniste d'Ibn-Ãufayl c'est plutôt l'intellect unique des anges et des hommes.

4.13 Ibn-Rushd

Ibn-Rushd a gardé tout le système de ses prédécesseurs sur l'existence des intelligences séparées correspondant aux sphères célestes, et à l'opinion que les corps célestes sont animés. Puisque ces corps sont incorruptibles d'eux-mêmes, ils ne sont pas forcément animés, mais ils le sont parce qu'ils doivent être dans la meilleure condition. (155) Mais l'idée d'Ibn-Sînâ (et al-Fârâbî) de l'intellect agent comme "donateur des formes" dans le monde physique, Ibn-Rushd la rejette. Il retient la position simple d'Aristote que chaque chose naît de sa semblable, ou bien dans la même espèce, ou bien dans le même genre, selon l'idée que les corps célestes peuvent causer la génération—une idée dont Ibn-Rushd dit que "les arguments ne sont pas évidents" (ghayr al-mushâhada)," (156) mais que Thomas d'Aquin accepte sans question. Plus tard Ibn-Rush explique que les partisans de l'hypothèse du "donateur des formes" ne niaient pas la causalité naturelle en disposant la matière à la reception d'une forme substantielle. (157)

Les puissances sensitives

Quant aux puissances sensitives, dans son petit commentaire, Jawâmi` Kitâb an-nafs, Ibn-Rushd répète la répartition d'Aristote des cinq sens extérieurs, mais il donne seulement deux sens intérieurs: le sens commum (mushtarak) et l'imagination (takhayyul). Cette dernière, en conservant les formes perçues par les sens dans l'absence des sensibles, comprend la fonction de mémoire. (158) Dans le Tahâfut at-Tahâfut il dit que l'imagination sert à estimer la convenance ou inconvenance des choses sensibles, et il n'est pas nécessaire de supposer un autre pouvoir, l'estimatif (wahmiyya) comme Ibn-Sînâ a fait. (159)

Dans le Commentarium magnum Ibn-Rushd accept les quatre sens intérieurs mentionnés par Aristote, contre son opinion antérieure admettant seulement le sens commun et l'imagination. (160) Quant aux premiers principles de la raison, il hésite de décider d'où ils viennent, et il semble pencher vers l'opinion d'Ibn-Sînâ qu'ils sont infusés directement par l'intellect agent. (161) Ibn-Rushd soulève aussi la question de savoir si l'intellect matériel peut connaître les substances séparées. Dans une longue discussion d'opinions, il accepte le principe que l'intellect matériel peut connaître tout ce qui est intelligible, et que cela peut se réaliser par quelque contact avec l'intellect agent. (162)

L'intellect

Concernant les questions de l'intellect, on peut discerner trois étapes dans l'évolution de la pensée d'Ibn-Rushd. D'abord, dans son petit commentaire Ibn-Rushd insiste que l'intelligible, en tant qu'intelligible, est éternel et incorruptible, mais il rejette la théorie de Platon que ces intelligibles pré-existent en nous et que d'apprendre ce n'est rien que de se rappeler. Toute la science vient à travers l'expérience sensitive.

Ibn-Rushd se demande comment les intelligibles peuvent être reçus par un homme corruptible et peuvent se multiplier selon la multitude des hommes. Il répond que les formes intelligibles ont un aspect formel, qui est unique et éternel, et un aspect matériel, par lequel ils peuvent être reçues par plusieurs hommes. Quel est l'aspect précis de l'homme qui lui permet de recevoir ces formes intelligibles? Ce n'est pas le corps, qui ne peut que recevoir une forme corporelle; ça ne peut pas être un intellect, qui en tant qu'intellect est acte; alors ça doit alors être l'âme, et parmi les puissances de l'âme précisément les formes imaginaires. Cette préparation (isti`dâd) de l'imagination est "l'intellect matériel", quant à son existence (wujûd), mais non quant à sa recevabilité; car si l'intellect matériel reçoit les formes intelligibles il doit être vide.

En recevant les formes intelligibles, l'intellect matériel devient "l'intellect habituel" (al-`aql bi-l-malaka), qui devient "l'intellect en acte" quand l'homme est conscient des formes intelligibles. "L'intellect agent" actualise l'intellect matériel; il est aussi nommé "l'intellect acquis" (al-`aql al-mustafâd) quand l'intellect matériel est en union (ittiŒâd) ou contact (ittiªâl) avec lui. Le mot mustafâd est utilisé parce que nous profitons (nastafîd-hu) de lui. (163)

La deuxième étape fut le Commentarium magnum. Ibn-Rushd rejette l'opinion, attribuée à Alexandre d'Aphrodisias et qu'il avait adoptée dans son petit commentaire, que l'intellect matériel est une disposition de l'imagination. (164) Il dit que l'intellect agent et l'intellect matériel sont tous les deux éternels, incorruptibles et uniques pour toute l'humanité. Les deux viennent en contact avec chaque homme à travers les phantasmes qui sont dans l'imagination, que l'intellect agent actualise dans l'intellect matériel.

L'intellect agent, à travers les images rendues intelligibles, a aussi le rapport de forme à l'intellect matériel. C'est ainsi que l'intellect matériel de quelque façon se multiplie dans l'humanité et que chaque individu a sa propre connaissance et apprend petit à petit. Mais puisque l'imagination est corruptible, l'intellect acquis ou l'intellect spéculatif est corruptible, avec toute connaissance individuelle. L'intellect matériel quand même continue d'être actualisé par l'intellect agent en d'autres individus, puisque l'espèce humaine existe toujours. (165)

Après ce grand commentaire Ibn-Rushd écrivit un appendice à son petit commentaire, renvoyant le lecteur au grand commentaire et corrigeant son adoption de l'opinion d'Alexandre d'Aphrodisias que l'intellect matériel est la préparation de l'imagination, et il reconnaît qu'il fut trompé par Ibn-Bâjja en suivant cette opinion. Il affirme plutôt que l'intellect matériel est une substance éternelle, et l'imagination ne fournit que les objets de connaissance. (166)

La troisième étape apparaît dans le commentaire moyen, Talkhîª kitâb an-nafs, qui est le plus tardif. Ibn-Rushd explique que l'intellect matériel n'a pas de passivité (infi`âl) physique, mais qu'il peut recevoir (qubûl) les formes intelligibles. (167) Il rejette l'opinion d'Alexandre selon laquelle cet intellect ou préparation à recevoir (isti`dâd) soit dans l'âme humaine, et il dit qu'elle doit être dans un sujet du même genre que les formes intelligibles, c'est-à-dire, dans une substance séparée. Mais, comme disent d'autres commentateurs, la substance séparée n'est pas elle-même de la nature de cette préparation, mais elle l'est en tant que cette substance séparée est en contact (ittiªâl) avec l'homme.

Il est clair alors que l'intellect matériel est quelque chose composée de cette préparation en nous et de l'intellect qui est en contact avec cette préparation. En tant qu'il est en contact avec celle-ci, il est un intellect préparé (musta`add) et non un intellect en acte. Il est un intellect en acte en tant qu'il n'est pas en contact avec cette préparation. Et cet intellect est exactement l'intellect agent. (168) Donc, suivant Ibn-Bâjja, il ne faut pas poser un intellect passif ou matériel distinct de l'intellect agent unique pour toute l'humanité.

Cela est supposé aussi dans le grand commentaire sur la Métaphysique (postérieur au grand commentaire sur la De Anima), où Ibn-Rushd dit explicitement que l'intellect matériel est corruptible (c'est l'imagination alors), et l'intellect habituel aussi. L'intellect agent est distinct de l'intellect matériel mais il entre en contact avec lui. Par un acte qui est distinct de son essence, l'intellect agent rend intelligibles les formes sensibles, et ainsi un intellect éternel connaît les choses corruptibles. Mais quand l'homme arrive à la perfection il perd tout ce qui est potentiel et il n'a plus d'autre acte que celui de l'intellect agent. "Cela est la béatitude ultime." (169)

La connaissance et l'appétit

Toute connaissance vient de l'intellect agent à travers l'imagination, même les premiers principes, ceci contre Ibn-Sînâ. (170) Sur l'auto-connaissance Ibn-Rushd dit:

La connaissance spéculative et ce qui est connu sont exactement la même chose... Mais ceci ne se vérifie pleinement que dans les choses séparées, c'est-à-dire que l'intellect et l'intelligible sont une seule réalité sous tous les aspects. Mais dans le cas de notre l'intellect, ils sont un par accident. C'est-à-dire puisque son essence n'est rien que la connaissance de ce qui existe hors de lui, il connaît son existence par accident quand il connaît les choses extérieures à son essence. Cela est parce que son essence n'est rien de plus que l'intellection des choses extérieures à son essence, à la différence des substances séparées qui connaissent les choses extérieures par leur essence. (171).

L'intellection se produit en nous quand l'intellect agent illumine les images de l'imagination, les rendant intelligibles en acte. L'intellect agent produit en nous "une similitude (shabîh) de ce qui est dans sa substance," nous donnant l'habitude (malaka) de considérer actuellement quand nous voulons. Cet intellect agent, qui est notre dernière forme, n'a pas d'intellection et existence de temps en temps, mais il existe depuis toujours et pour toujours. Et s'il sort du corps il ne peut pas mourir. Et c'est précisément lui qui connaît (ya`qul) les formes intelligibles ici quand il est joint (`ind in²imâmi-hi) à l'intellect matériel. Mais si l'intellect matériel se sépare [du corps] il ne peut connaître rien de ce qui est ici. Et pour cela après la mort nous ne nous rappelons rien de ce que nous avons connu au temps qu'il était en contact avec le corps. Quand il est en contact avec nous, il connaît les formes intelligibles qui sont ici, mais s'il départ de nous il connaît son essence. Mais s'il peut connaître son essence pendant qu'il est en contact avec nous, c'est une autre question.

Nous devons savoir que Themistius et la plupart des commentateurs sont de l'opinion que l'intellect qui est en nous est composé de l'intellect qui est en puissance et de l'intellect qui est en acte, c'est-à-dire l'intellect agent. Et en tant qu'il est composé il ne connaît pas son essence, mais il connaît les choses qui sont ici quand il est joint aux intentions (ma`ânî) imaginaires. Mais quand ces intentions se corrompent il arrive par accident (ya`ru²) que les formes intelligibles se corrompent, et l'oubli et l'erreur suivent. (172)

Le pouvoir appétitif (al-quwwa an-nuzû`iyya) est mû par l'imagination, et lui-même meut la chaleur naturelle qui meut les membres pour causer le mouvement de chaque animal. (173) Dans Talkhîs kitâb an-nafs Ibn-Rushd parle aussi du bien (khayr) et du mal (sharr) conçus par l'intellect pratique comme moteurs du mouvement. Mais il ne parle jamais d'une volonté rationelle comme un pouvoir spécial. (174)

Unicité de forme substantielle

Quant à la question de l'unicité ou multiplicité des formes substantielles dans un individu, Ibn-Rushd suppose toujours l'unicité, ce qu'il dit explicitement quand il affirme que les éléments n'existent qu'en puissance dans les corps complexes. (175) Mais en affirmant que l'âme est la forme du corps vivant, il n'explique pas comment on peut avoir une "âme rationnelle" et un intellect séparable de cette âme.

4.14 Moshe ben Maimon

Par son intellect l'homme est l'image de Dieu. (176) Moshe ben Maimon est de l'avis que l'âme est immortelle, mais en répondant à l'objection que dans l'hypothèse d'un monde éternel il y aurait une infinité d'âmes, il répond, en citant Ibn-Bâjja, que parce que ces âmes n'ont pas de corps pour les distinguer, elles seraient toutes une seule âme. (177)

Moshe ben Maimon dit, dans son Dalâ'il que l'intellect agent est distinct de Dieu et est le médiateur du prophétisme. Comme Ibn-Sînâ, il soutient que la race humaine se distingue par divers niveaux d'intelligence. Pour lui il y a six niveaux:

  1. ceux qui ont compris la démonstration et ont la certitude dans les choses métaphysiques (ayant une conjonction avec l'intellect agent),
  2. ceux qui se plongent dans la spéculation sur les principes fondamentaux de la religion (les théologiens),
  3. les casuistes, qui discutent sur les pratiques du culte,
  4. les ignorants qui s'occupent des pratiques religieuses,
  5. les hérétiques,
  6. les non-croyants. (178).

Moshe ben Maimon écrivit une Lettre sur la résurrection des morts, répondant à Samuel ben Eli qui l'accusait de la nier. Moshe ben Maimon maintient l'immortalité de l'âme, mais ne précise pas si elle sera individuelle (comme Ibn-Sînâ) ou unique (comme Ibn-Rushd). Il penchait pour la dernière opinion, qu'il n'osa pas mettre par écrit. Il admettait quand-même la possibilité d'une résurrection corporelle.

4.15 Thomas d'Aquin

Le problème qu'affrontait Thomas d'Aquin fut de reconcilier deux données: (1) que l'âme humaine est la forme substantielle de l'homme, et (2) que l'opération d'intellection transcende la matière et que le sujet de cette opération peut survivre sans corps. Puisque l'acte doit correspondre à la puissance, selon la première donnée l'âme doit être une forme matérielle; selon la deuxième donnée l'acte d'intelligence exige un sujet non-matériel.

D'abord, Thomas n'identifie pas l'âme rationelle avec l'intellect, comme les philosophes arabes faisaient, mais il distingue la substance de l'âme de ses puissances, comme il distingue entre ces puissances et leurs habitudes et leur actes. Pour lui une seule âme est la forme substantielle du corps: par ses puissances végétatives elle est la source des fonctions vitales du corps, par ses puissances sensitives cognitives et appétitives elle est la source de ses fonctions animales, et par les intellects passif et actif et la volonté elle exerce ces activités proprement humaines.

Ainsi l'âme a des activités purement matérielles et d'autres spirituelles. L'homme est, contre Ibn-Sînâ surtout, essentiellement âme et corps, tout dualisme écarté. Pour résoudre le problème de savoir comment une forme de matière peut avoir une opération qui transcende la matière et peut exister sans la matière, Thomas fait exception à sa doctrine générale que l'acte d'existence est l'acte du composite de matière et de forme. Dans le cas de l'homme, il dit que l'acte d'existence s'attache d'abord et directement à l'âme humaine, et à travers l'âme au corps qui y participe en étant animé par l'âme. Ainsi à la mort, l'âme garde son existence à part du corps. (179)

Un autre point aigu de différence entre Thomas et les philosophes arabes fut sa position que l'intellect, soit passif soit actif, est une puissance personnelle de chaque homme. (180) Contre la théorie d'Ibn-Sînâ d'une dépendance continuelle à l'égard d'un intellect agent extérieur, Thomas maintient que l'homme garde une connaissance habituelle; toutefois, il admet que l'homme, en dehors de sa connaissance normale acquise par l'expérience des sens, peut recevoir de l'inspiration angélique.

Quant'à l'origine de l'âme humaine, Thomas est d'accord avec Ibn-Sînâ qu'elle est créée avec le corps. (181)

Quant aux esprits célestes, Thomas tient qu'il y a des créatures intellectuelles incorporelles, chacune dans sa propre espèce, dont le nombre n'est pas limité aux moteurs des corps célestes. (182)



1. Risâla fî anna-hu jawâhir lâ ajsâm; Risâla fî l-qawl fî n-nafs al-mukhtaªar min kitâb Aris³û wa-Flâ³un wa-sâ'ir al-falâsifa; Kalâm fî n-nafs mukhtaªar wajîz.

2. Risâla fî mâhiyya an-nawm wa-r-ru'yâ, p. 297.

3. Pour une analyse détaillée de cet ouvrage, voir Jean Jolivet, L'Intellect selon al-Kindî.

4. A³-³ibb ar-rûŒânî, section 5.

5. Al-`ilm al-ilâhî, 4; AŒmad ibn-`Abdallâh al-Kirmânî, Kitâb al-aqwâl adh-dhahabiyya fî ³-³ibb an-nafsânî, section 5.

6. Risâla al-i`tibâr, pp. 67-69; Khaw⪪ al-Œurûf, p. 80.

7. Khaw⪪ al-Œurûf, pp. 87-91.

8. Ibid., 91, 97, 104.

9. Ibid., p. 101; cf. p. 108.

10. Ibid., p. 108.

11. P. 166.

12. P. 169.

13. Kitâb al-farq bayn ar-rûŒ wa-n-nafs wa-quwâ n-nafs wa-mâhiyya an-nafs, dans Rasâ'il Ibn-Sînâ, 2, p. 88, 93.

14. Liber de definitionibus, pp. 311, 332.

15. Ibid., p. 312.

16. Ibid., p. 318.

17. Ibid., p. 320.

18. Mabâdi' ârâ', 16, 19 (p. 33).

19. Ibid., p. 34.

20. Ibid., 21.

21. Ibid., 27, p. 58.

22. Nn. 75-76.

23. Pour toute la question des intellects, cfr. Mabâdi' ârâ' 22 & 27 (p. 58); as-Siyâsa al-madaniyya, 32:6, 36:1, 55:5, 79:9 ss.; Risâla fî l-`aql, nn. 17, 18, 31, 32-40.

24. Nn. 90-93.

25. Cfr. Falsafa Aris³û³âlîs, 98.

26. Jawâb masâ'il su'il `an-hâ, n. 28.

27. Ta`lîqât, n. 52; cfr. IŒªâ' al-`ulûm, ch. 3, p. 103, sur "l'astrologie pratique".

28. Ta`lîqât, n. 53.

29. Ta`lîqât, n. 78.

30. Ibid., n. 2.

31. Jawâb masâ'il su'il `an-hâ, n. 28.

32. N. 38, 42.

33. Risâla fî l-`aql, n. 49.

34. N. 99.

35. C. 3.

36. N. 37.

37. Maqâla fî n-nafs wa-l-`aql, pp. 50, 21-20; al-Fawz al-aªghar, p. 64.

38. Faªl âkhar min kalâm-hi, p. 195.

39. Al-Fawz al-aªghar, 75-81.

40. Risâla fî jawhar an-nafs, p. 197.

41. Fî ithbât aª-ªuwar ar-rûŒâniyya, p. 200.

42. Fî ithbât dhâlika ay²an, p. 201.

43. Maqâla fî n-nafs wa-l-`aql, 62-61.

44. Al-Fawz al-aªghar, p. 87.

45. Risâla fî l-ladhdhât wa-l-âlâm, p. 68.

46. Al-Fawz al-aªghar, p. 101.

47. Maqâla fî n-nafs wa-l-`aql, pp. 64, 49; al-Fawz al-aªghar, p. 126.

48. Risâla fî n-nafs wa-l-`aql, pp. 55-54.

49. P. 105.

50. Ch. 1.

51. Risâla fî l-kalâm `alâ n-nafs an-nâ³iqa, un des ouvrages tardifs d'Ibn-Sînâ, qui récapitule ash-Shifâ', an-nafs, maqâla 5. faªl 1-2; cf. Kalimât aªªufiyya, 158-160; Risâla fî bayân al-mu`jizât wa-l-karâmât wa-l-a`âjîb, p. 404.

52. Ash-Shifâ', an-nafs, maqâla 5. faªl 2, p. 196.

53. MabŒath `an al-quwâ n-nafsâniyya, ch. 2.

54. Ar-Risâla al-aŒ²awiyya fî l-ma`âd, 141-151.

55. Ash-Shifâ', an-nafs, maqâla 1, faªl 3; maqâla 5, faªl 7.

56. AŒwâl an-nafs, ch. 11.

57. Ash-Shifâ': al-Kawn wa-l-fasâd, faªl 7.

58. Al-faªl alaf, p. 274; cfr. aussi al-`Ilm al-ladunî, p. 187-188.

59. Ibn-Sînâ discute le rapport de l'âme au corps dans ash-Shifâ', an-nafs, maqâla 5, faªl 4 = AŒwâl an-nafs, ch. 9; cfr. An-nukat wa-l-fawâ'id fî `ilm a³-³abî`î, pp. 158-161.

60. Ash-Shifâ', an-nafs, maqâla 5, faªl 8; an-Nukat wa-l-fawâ'id fî l-`ilm a³-³abî`î, pp. 155-156.

61. Kitâb al-farq bayn ar-rûŒ wa-n-nafs wa-quwâ n-nafs wa-mâhiyya an-nafs, dans Rasâ'il Ibn-Sînâ, 2, p. 88, 93.

62. P. 187-188.

63. P. 275.

64. Pp. 3-7.

65. An-Nukat wa-l-fawâ'id fî l-`ulûm a³-³abî`î, p. 152.

66. Ibid., pp. 154-155; ash-Shifâ', an-nafs, pp. 145-171; Risâla fî bayân al-mu`jizât wa-l-karâmât wa-l-a`âjîb, pp. 401-403.

67. Ta`lîqât, p. 109.

68. AŒwâl an-nafs, ch. 6; MabŒath `an al-quwâ n-nafsâniyya, ch. 8; ash-Shifâ', an-nafs, maqâla 5. faªl 3; An-Nukat wa-l-fawâ'id fî l-`ilm a³-³abî`î, pp. 156-157, 161-162, 167-169; Ta`lîqât, pp. 83-84.

69. An-Nukat wa-l-fawâ'id fî l-`ilm a³-³abî`î, pp. 164-165, 168-169; Risâla fî bayân al-mu`jizât wa-l-karâmât wa-l-a`âjîb, p. 405.

70. Maqâla 5, faªl 6, pp. 212-220.

71. AŒwâl an-nafs, ch. 12.

72. Pp. 68-70.

73. P. 416.

74. Risâla ajwiba `an `ashar masâ'il, al-mas'ala ath-thâlitha, p. 78.

75. Pp. 162-163, 167.

76. Pp. 49-52.

77. P. 4.

78. P. 188.

79. Pp. 68-70.

80. P. 416.

81. Ch. 2.

82. P. 21.

83. P. 37-38.

84. Pp. 43-44.

85. P. 416.

86. AŒwâl an-nafs, ch. 3.

87. MabŒath `an al-quwâ n-nafsâniyya, ch. 10; cf. an-Nukat wa-l-fawâ'id fî l-`ilm a³-³abî`î, 163-165; ar-Risâla fî s-sa`âda, p. 13; Ta`lîqât, p. 23.

88. Pp. 212-220; cfr. an-Nukat wa-l-fawâ'id fî l-`ilm a³-³abî`î, 167.

89. An-nukat, p. 172.

90. Ash-Shifâ': an-nafs, maqâla 5, faªl 6.

91. An-Nukat wa-l-fawâ'id fî l-`ilm a³-³abî`î, 165-166; Ta`lîqât, p. 34-35, 82.

92. Voir aussi Ta`lîqât, p. 41.

93. `Uyûn al-masâ'il, 9; MabŒath `an al-quwâ n-nafsâniyya, ch. 3, dit que les âmes (de toutes sortes) viennent "du dehors".

94. AŒwâl an-nafs, ch. 12; MabŒath `an al-quwâ n-nafsâniyya, ch. 10.

95. Ibid., 39.

96. An-Nukat wa-l-fawâ'id fî l-`ilm a³-³abî`î, 166-167.

97. Cfr., par exemple, Risâla fî s-sa`âda, pp. 13-15; Ta`lîqât, 62, 101-108, 128-130, 166.

98. Cfr. aussi l'opuscule Masâ'il `an aŒwâl ar-rûŒ.

99. Kalimât aª-ªufiyya, p. 165; le mot kalima est utilisé fréquemment dans cet ouvrage soufique pour l'âme humaine.

100. Par exemple, an-Nukat wa-l-fawâ'id fî l-`ilm a³-³abî`î, 167.

101. Jâmi` al-badâ'i`, p. 33; `âªî, p. 284.

102. P. 418.

103. Dans Risâla fî mâhiyya al-`ishq, p. 26; Ta`lîqât, p. 100.

104. P. 44.

105. Ibid., pp. 167-168; Ta`lîqât, p. 83.

106. Ar-Ru'yâ wa-t-ta`bîr, al-faªl hâ, wâ, pp. 283-288.

107. Ibid., faªl jâ, pp. 290-294.

108. Pp. 215-223.

109. AŒwâl an-nafs, ch. 7; `Uyûn al-Œikma, pp. 35, 38; ar-Risâla al-aŒ²awiyya fî l-ma`âd, pp. 167, 175.

110. P. 8.

111. P. 12.

112. An-Nukat wa-l-fawâ'id fî l-`ilm a³-³abî`î, pp. 156 et 162, Risâla fî bayân al-mu`jizât wa-l-karâmât wa-l-a`âjîb, p. 404, Risâla fî l-`uqûl, p. 416-417, et dans autres ouvrages d'Ibn-Sînâ.

113. `Uyûn al-masâ'il, 21; cfr. Risâla fî s-sa`âda, p. 15; ar-Risâla al-aŒ²awiyya, p. 213.

114. Risâla fî l-mawt, p. 379.

115. Al-Ishârât, nama³ 3, faªl 1-4; ash-Shifâ': an-nafs, maqâla 1, faªl 1; on trouve pareille argumentation dans l'opuscule Masâ'il `an aŒwâl ar-rûŒ.

116. AŒwâl an-nafs, ch. 4 & 9; MabŒath `an al-quwâ n-nafsâniyya, ch. 9.

117. Al-Ishârât, loc. cit.; ar-Risâla al-aŒ²awiyya fî l-ma`âd, 153-183.

118. Cfr., par exemple, ar-Risâla fî s-sa`âda, pp. 12-13.

119. Cfr. Risâla ilâ Abî `Ubayd al-Jûzjânî.. fî amr an-nafs; an-Nukat wa-l-fawâ'id fî l-`ilm a³-³abî`î, p. 177-178; Kalimât aª-ªûfiyya, p. 166; ar-Risâla al-aŒ²awiyya fî l-ma`âd, 185-189.

120. Ta`lîqât, pp. 63-64, 110.

121. Ta`lîqât, p. 81.

122. Ibid., ch. 8; an-Nukat wa-l-fawâ'id fî l-`ilm a³-³abî`î, p. 177-178; Kalimât aª-ªufiyya, 159; ar-Risâla al-aŒ²awiyya fî l-ma`âd, 125-133.

123. Ash-Shifâ', an-nafs, maqâla 5, faªl 3; cfr. Ta`lîqât, 65.

124. P. 107; cfr. p. 145.

125. Cfr. Kalimât aª-ªûfiyya, p. 178.

126. AŒwâl an-nafs, ch. 10; ash-Shifâ', an-nafs, maqâla 5, faªl 4; Kalimât aª-ªûfiyya, p. 167; ar-Risâla al-aŒ²awiyya fî l-ma`âd, 99-139; Ta`lîqât, pp. 65, 67.

127. P. 139.

128. Pp. 135, 207.

129. Dans ar-Risâla al-aŒ²awiyya Ibn-Sînâ se limite à répondre à cette troisième catégorie.

130. P. 7.

131. P. 14.

132. P. 159.

133. P. 189.

134. Pp. 189-190.

135. P. 91.

136. Pp. 41-43, 63-65.

137. Pp. 29-31, 67-85, 107, 205.

138. Pp. 85-97; pour la communion des âmes séparées, voir p. 215.

139. Maqôr Œayyîm, 2:29-30.

140. Ibid., 3:3.

141. Ibid., 3:24.

142. Ibid., 3:28-30.

143. Ibid., 4:6; cf. 4:19.

144. Ibid., 5:65.

145. Cette critique des ªûfîs, reprise par Ibn-Rushd, est un thème fréquent en Ibn-Bâjja; voir Risâla al-wadâ`, pp. 121 ff. qui critique le Munqidh d'al-Ghazâlî, et Ittiªâl al-`aql bi-l-insân, pp. 166-167, 171.

146. Ittiªâl al `aql bi-l-insân, pp. 130-131.

147. Ittiªâl al-`aql bi-l-insân, pp. 160-161; voir aussi chapitre 5, "Ibn-Bâjja".

148. Pp. 138-148.

149. Pp. 149-150.

150. Pp. 150-162.

151. Pp. 188-189.

152. Pp. 178-180.

153. P. 215.

154. P. 124.

155. Tahâfut, II, p. 438.

156. II, p. 622; Tafsîr mâ ba`d a³-³abî`a, pp. 1497 ff.

157. II, p. 790.

158. Jawâmi` Kitâb an-nafs pp. 54-65; la même restriction des sens intérieurs se trouve en Talkihîª kitâb an-nafs, pp. 106-120.

159. II, pp. 818-819; cfr. Talkhîª kitâb an-nafs, p. 120.

160. Pp. 419, 449; ces sens sont reconnus aussi dans The epistle on the possibility of conjunction with the active intellect, p. 27.

161. Pp. 407, 496, 506.

162. Pp. 488 ff.

163. Jawâmi` kitâb an-nafs, pp. 66-90.

164. P. 396-397; la même position se trouve en Tractatus de animae beatitudine et Epistola de connexione intellectus abstracti cum homine.

165. Pp. 999-412, 448-500.

166. P. 90.

167. Pp. 121, 128.

168. P. 124.

169. Tafsîr mâ ba`d a³-³abî`a, pp. 1489-1490.

170. Talkhîª kitâb an-nafs, p. 137.

171. Pp. 128-129; le même dans le Commentarium magnum de Anima, p. 420.

172. P. 130-131.

173. Kitâb an-nafs, pp. 87-93; cfr. Talkhîª kitâb an-nafs, p. 145.

174. Pp. 134, 138-145.

175. Talkhîª as-Samâ' wa-l-`âlam, pp. 306-307.

176. Dalâla al-Œâ'irîn, pp. 26-28.

177. Dalâla al-Œâ'irîn, pp. 223-224.

178. Ibid., pp. 718 ff.

179. Cfr. Contra gentiles, II, n. 69-72.

180. Ibid., II, nos. 59, 69, 73-78; De unitate intellectus contra Averroistas.

181. Contra gentiles, II, nos. 83-90.

182. Ibid., II, nos. 91-101.