LE RECHERCHE DE DIEU PARMI LES MUSULMANS

Le Qur'an appelle les hommes à penser, à réfléchir sur les oeuvres de Dieu, à fin de croire en lui, de se soumettre à lui, et de lui obéir par toutes sortes d'action. L'action - la prière rituelle, le jeûne, l'aumône, le pèlerinage, même la guerre pour l'intérêt de l'Islam - est caractéristique de l'Islam. Mais la réflection, la contemplation, attire beaucoup de musulmans aussi.

Le langage symbolique de certains versets du Qur'an y invite, comme 24:35: "Allah est la Lumière des cieux et de la terre. Sa Lumière est à la ressemblance d'une niche où se trouve une lampe; la lampe est dans un récipient de verre; celui-ci semblerait un astre étincelant; elle est allumée grâce à un arbre béni, grâce à un olivier ni oriental ni occidental, dont l'huile est si limpide qu'elle éclairerait même si nul feu ne la touchait." Beaucoup de gens, en méditant sur de tels versets, sont accablés par la grandeur de Dieu et passent leur loisir en le louant - souvent par moyen de phrases récitées avec le rosaire musulman (le tasbîh).

Dans l'histoire de l'Islam tout un mouvement s'est produit voué à la prière intérieure et l'expérience de Dieu. Il s'appelle "soufisme", d'après le vêtement de "souf" (= laine), porté par ses premiers adeptes. Il est organisé en confréries (à distinguer des sectes) qui continuent d'exister jusqu'à nos jours. En Afrique une des plus connues est la Tijaniyya.

Pour comprendre comment un musulman soufi peut expérimenter Dieu, prenons quelque prières de la collection du soufi le plus fameux, al-Hallâj (m. 922). Il parle de l'amour de Dieu, de la souffrance que ceci implique, avec la mort, même la mort sur la croix, la mort que lui-même a subi:

"Me voici, me voici! ô mon secret, et ma confidence! Me voici, me voici! ô mon but, et mon sens! Je T'appelle,.. non, c'est Toi qui m'appelles à Toi! Comment t'aurais-je invoqué 'c'est Toi', si Tu ne m'avais susurré 'c'est Moi'?... Mon amour pou mon Seigneur m'a miné et consumé, comment me plaindrais-je à mon Seigneur.. O suprême demande et espoir, ô mon hôte, ô vie de mon esprit, ô ma foi et ma part d'ici-bas!" (Q.n.1)
"L'aurore du bien-aimé s'est levée, de nuit; elle resplendit, et n'aura pas de couchant. Si l'aurore du jour se lève la nuit, l'aurore des coeurs ne saurait se coucher." (M.n.9)
"J'ai à moi un Ami, je le visite dans les solitudes, présent, même quand il échappe aux regards. Tu ne me verras pas Lui prêter l'oreille pour percevoir son langage par bruit de paroles. Ses paroles n'ont ni voyelles ni élocution, ni rien de la mélodie des vois. Mais c'est comme si j'étais devenu l'interlocuteur de moi-même, communiquant par mon inspiration avec mon essence, en mon essence. Présent, absent, proche, éloigné, insaisissable aux descriptions par qualités, Il est plus proche que la conscience pour l'imagination, et plus intime que l'étincelle des inspirations." (M.n.11)
"Penser à Toi me secoue de désir, T'avoir oublié me fait pleurer et souffrir; me voici tout entier devenu coeurs T'implorant pour souffrir d'amour, et voici que les douleurs s'annoncent!" (M.n.36)
"Celui qui me convie, et qui ne peut passer pour me léser, m'a fait boire à la coupe dont Il but: tel l'hôte traitant son convive. Puis, la coupe ayant circulé, Il a fait apporter le cuir du supplice et le glaive. Ainsi advient de qui boit le Vin avec le Lion en plein Eté." (M.n.38)
"Tuez-moi donc, mes camarades, c'est dans mon meurtre qu'est ma Vie! Ma mort, c'est de survivre, et ma Vie, c'est de mourir! Je sens que l'abolition de mon être est le plus noble don à me faire, et ma survie tel que je suis le pire des torts. Ma vie a dégoûté mon âme, parmi ces ruines croulants, tuez-moi donc, et brûlez-moi, dans ces os périssables; ensuite, quand vous passerez près de mes restes, parmi les tombes abandonnées, vous trouverez le secret de mon Ami, dans les replis des âmes survivantes." (Q.n.9)
"Les gens font le pèlerinage, moi je vais en pèlerinage vers mon Hôte bien-aimé; s'ils offrent en sacrifice des agneaux, moi j'offre le sang de mes veines! Il en est qui processionnent autour du Temple, sans y être corporellement, car c'est en Dieu qu'ils processionnent, et Il les a dispensés du Sanctuaire [à la Mekke]." (M.n.51)
"Oui, va-t'en prévenir mes amis que je me suis embarqué pour la haute mer, et que ma barque se brise! C'est dans la religion de la Croix que je mourrai! Je ne veux plus aller ni à la Mekke, ni à Médine." (M.n.56)